Bibliothèque ou cabinet du duc d’Aumale ?
L’architecte Honoré Daumet a intégré dans la structure du Petit Château, entre 1875 et 1877, une bibliothèque moderne faisant appel aux technologies les plus nouvelles de l’époque, notamment un éclairage au gaz
Musée Condé
Nul ne s’en étonne désormais, le cabinet des livres du château de Chantilly est l’un des plus précieux que l’on connaisse. Les bibliothèques extraordinaires ne manquent pourtant pas en Europe, mais celle-ci est hors de commun. Sa renommée repose à la fois sur les quelques 11 000 raretés qu’il contient et à la personnalité de celui qui l’a conçue, Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), dont on ne s’étonnera pas qu’il fut surnommé « le prince des bibliophiles ». Ce titre ne reposait pas, comme on pourrait le croire, sur sa qualité de fils de France, mais sur cette passion bibliophile qu’il n’a cessé de manifester dès son plus jeune âge.
À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, le musée de Condé lui rend naturellement hommage et met l’accent sur cet « écrin de livres ». À ce propos, les termes « bibliothèque » et « cabinet » se heurtent. Que faut-il dire ? La réponse appartient au duc d’Aumale, explique Marie-Pierre Dion, conservateur aujourd’hui de ce lieu fascinant pour les bibliophiles. Il choisit la dénomination de « cabinet des livres » et non de bibliothèque, en écho à l’histoire du petit Château de Chantilly qui abrita les bibliothèques « choisies » des Montmorency, puis des Condé. Les cabinets se veulent des refuges à l’écart du monde : la communion avec les grands auteurs et le luxe des livres de dédicace y multiplient le plaisir d’un loisir distingué.
On évoque couramment les 11 000 raretés et on se demande comment les volumes ont été classés dans ce cabinet. Nous avons eu la chance, il y a quelques années, de parcourir ces rayonnages (les portes qui les protègent ayant été ouvertes pour nous). Un rêve de bibliophile, mais dangereux. Après avoir feuilleté tel ou tel volume, il nous appartenait de le remettre exactement à sa place, de peur qu’il soit perdu et introuvable. En réalité, le duc d’Aumale disposait les volumes en fonction de leur taille et de la couleur des reliures. Son choix relevait davantage d’un regard esthétique. Il laissait les bibliothécaires enregistrer dans un catalogue les livres selon les numéros des armoires et des rayonnages. Nous avons choisi par exemple Le Cid de Pierre Corneille (Targa, 1639). Cet exemplaire de l’édition originale comportant une « Dédicace à Madame de Combalet » (première duchesse d’Aiguillon). Il est rangé à la cote V-E-070-(1), comme on peut le voir en nous rendant sur le site de la bibliothèque (https://www.bibliotheque-conde.fr/la-bibliotheque-du-chateau-de-chantilly).
Le duc d’Aumale confia la réalisation de son cabinet à l’architecte Honoré Daumet (1826-1911). Ce dernier l’intégra dans la structure du Petit Château construit à la Renaissance, et érigea entre 1875 et 1877 une bibliothèque moderne faisant appel aux technologies les plus nouvelles de l’époque. Afin de protéger les reliures de la lumière, il imagina une rampe fixée sous la rambarde de la galerie de laquelle on peut encore faire descendre des cartes faisant office de rideau !
Musée Condé, château de Chantilly, Route Pavée, 60500 Chantilly
Jusqu’au 26 février 2023
Référence : AJU006q7