Paris (75)

Ce mot que le général ne prononce pas !

Publié le 14/06/2023

Cette édition originale du Mot de Cambronne, corrigée de la main de Sacha Guitry, a été adjugée 644 €

Audap & Associés

Il suffit parfois, pour entendre la voix de certains auteurs, de les lire ! Sacha Guitry (1885-1957) est de ceux-là… La mélopée et le rythme de sa diction provoquent, quoi qu’on en dise, un certain envoûtement. « La voix chaude et vibrante du Maître joue un rôle important pour mettre en valeur la virtuosité verbale qui provoque la jubilation du spectateur, quand elle ne l’irrite pas », déclare Serge Le Péron, auteur du film documentaire Guitry et le cinéma (2007). En compulsant l’œuvre abondante de cet artiste multiple, à la fois dramaturge, acteur, metteur en scène, cinéaste et scénariste, on ne cesse de découvrir ou de retrouver des pépites dans lesquelles il donne toute la mesure de son talent déclamatoire. C’est le cas d’une de ses pièces intitulées simplement : Le Mot de Cambronne, dont un exemplaire de l’édition originale (paru chez Plon au format in-4 en 1938), relié par M. Landre, en demi-maroquin vert à coins, le dos lisse, orné de filets dorés à froid, sous couverture, a été adjugé 644 € à Drouot, mardi 23 mai 2023 par la maison Audap & Associés. Cet exemplaire est orné de 19 compositions en couleurs de Guy Arnoux, qui a également réalisé la couverture. Il est accompagné d’un jeu d’épreuves du livre, corrigées de la main de Sacha Guitry, ainsi que d’un essai de couverture, également composé par lui. Cet ouvrage a été tiré à 25 exemplaires hors commerce, sur papier des manufactures impériales du Japon. Le no 10 a été vendu 305 €, le 17 mai 2018 par la maison Ader.

Cette comédie en un acte en vers a été créée au théâtre de la Madeleine, le 2 octobre 1936, puis portée à l’écran l’année suivante. Le film fut tourné en un après-midi, le 19 novembre 1936, avec les quatre acteurs qui avaient créé la pièce sur scène. Les accessoires venaient du théâtre et y sont retournés le soir même. En 36 minutes, Sacha Guitry déploie face à Marguerite Moreno, qui joue le rôle de l’épouse anglaise du général, un feu d’artifice de gestes, d’emphases, de murmures, de fausses confidences. Il faut bien l’avouer, Sacha est agaçant, mais quel talent ! Sa diction étonne autant que son écriture. L’épouse, Mary Osburn, qui s’exprime dans la pièce avec un fort accent, aimerait bien savoir ce qu’est ce fameux « mot de Cambronne », qu’elle n’a jamais entendu. Le général refuse obstinément de répéter ce célèbre mot qu’on lui attribue.

L’idée de cette pièce lui a été dictée par Edmond Rostand. Dans son texte, Sacha Guitry lui rend hommage par ces quelques mots : « Cette petite comédie/est ma centième comédie./Oui, cent – déjà ! Qu’on ne m’en garde pas rancune,/Oh ! J’eusse préféré cent fois n’en faire qu’une/Et que ce fut Le Misanthrope – Tiens pardi./Cette centième comédie/Je la dédie/À la mémoire de Rostand/[…] Aujourd’hui 3 juillet 1936/Ce petit acte je l’ai fait/Il était temps que je le fisse ! » Nous connaissons la suite, mais nous ne savons pas davantage si Cambronne prononça son mot !

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