Cocteau et le cubisme

Publié le 08/11/2021

Ce dessin de Cocteau, dédié à Massine, représentant un portait cubiste de Picasso, a été adjugé 645 694 €.

Bonhams

Virtuose en tout genre, Jean Cocteau (1889-1963) semblait se brûler les ailes. Il cherchait, en réalité, sans cesse à voler au plus haut, et ailleurs. « Doué de tous les moyens d’expression, disait de lui, André Fraigneau, il a réalisé le vœu de Nietzsche qui rêvait que l’on fut danseur dans la bataille et que l’on tendit sur le monde un ciel bleu plus terrible que les nuages et les fumées des enchanteurs suspects ». Il était si riche en inventions qu’il a laissé autant de jaloux que d’admirateurs. Il accumula néanmoins les amis qui participèrent à ses fêtes comme à ses inventions. Il parvenait à s’insérer dans des groupes auxquels il se révélait indispensable avant de saisir la baguette de chef d’orchestre. À l’issue de la Grande Guerre, ses amis se nommaient Picasso, Max Jacob, Apollinaire, Satie. Cocteau était partout. Lié avec le « groupe des six », il jouait, dansait, volait. Grâce à l’aviateur Roland Garros, il s’était découvert Ariel et était monté vers le séjour des Ange…

La maison Bonham’s qui vient d’ouvrir une salle de ventes à Paris, a dédié, le 21 octobre dernier, l’une de ses premières vacations, à Cocteau. Le catalogue comprenait 137 lots, dont 74 % a été vendu, pour un montant total de 645 694 €. Un dessin au crayon (27,5 x 20,7 cm), dédicacé à l’encre par Jean Cocteau, Portrait de Picasso-cubiste, a été adjugé 62 812 €. On en attendait seulement 10/15 000 €. Ce dessin singulier porte cette dédicace manuscrite du « prince frivole » : « À Massine souvenir de son ami Jean Cocteau. Monsieur Picasso fume le Vésuve… Napoli 1917 ». Cette composition a été inspirée par les spectacles issus de la constellation formée en 1917 par Cocteau, Satie, Picasso et Léonide Massine, c’est-à-dire Parade. Ce ballet en un acte de la compagnie des Ballets russes dirigés par Serge de Diaghilev, a été joué pour la première fois le 18 mai 1917 au Théâtre du Châtelet. Comme à la fin d’un concert de jazz, nous pouvons annoncer : Jean Cocteau était au stylo, Picasso au pinceau pour les décors, Satie aux portées pour la partition et Massine aux chaussons pour la chorégraphie. Ajoutons Apollinaire qui rédigea des notes pour le catalogue, et qualifia le spectacle de « surréaliste ».

Inspiré par le tableau Parade de cirque de Georges Seurat, ce spectacle qui plongeait le spectateur dans un univers poétique opposé à la brutalité du monde moderne, déclencha pourtant son hostilité, car l’orchestre comprenait aussi une machine à écrire, un bouteillophone (série de bouteilles contenant des quantités différentes de liquide), un pistolet et des sirènes. Les critiques traitèrent la musique de « bruit inadmissible ». À Jean Poueigh (1876-1958), qui avait qualifié la musique de Satie, « d’outrage au goût français », ce dernier lui répondit sur une carte postale : « Monsieur et cher ami, vous n’êtes qu’un cul, mais un cul sans musique ».

Plan