Colette au Salon du livre rare

Publié le 13/09/2023

Jan Michalski

Nous ne suivrons pas l’injonction de ce tract imprimé en 1902 qui conseillait : « N’allez pas au théâtre des Gobelins voir Claudine à Paris. C’est immoral » (8.5 x 12.5). Nous nous rendrons les yeux fermés et les mains ouvertes au Salon du livre rare et des arts graphiques, organisé par le Slam (Syndicat de la libraire ancienne et moderne) qui se déroulera du 22 au 24 septembre 2023 au sein du Grand Palais éphémère. Là, 140 libraires proposeront sur leur stand, comme ils le font chaque année, le meilleur de leurs ouvrages et des documents qu’ils ont collectés afin de les proposer aux bibliophiles toujours plus curieux. Cette année, l’invité d’honneur sera La Fondation Jan Michalski, qui présentera une exposition consacrée à Colette. Écrire, pouvoir écrire. Celle-ci a été organisée à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Colette. Elle réunit près de 250 documents – éditions originales, photographies, lettres, manuscrits, objets –, rarement ou jamais montrés au public.

On l’aura compris, l’étiquette conseillant de ne pas se rendre aux Gobelins était une contre-publicité. Le roman de Colette, Claudine à l’école, avait inspiré une pièce de théâtre qui fut interprétée par l’actrice Polaire dans le rôle du personnage principal. Il est vrai que ce roman semi-autobiographique, au style naturel alors nouveau, suscita un véritable scandale. Toujours est-il qu’il parut d’abord en 1900 (Paris, Ollendorff, 1900, in-12), sous la seule signature de Willy, le mari de Colette, avant de lui être enfin attribué. Une série des quatre Claudine, à l’école. (1900) à Paris (1901), en ménage (1902) et s’en va (1903) (Paris, Paul Ollendorff et Mercure de France pour Claudine en ménage), reliée dans les années 1920 en demi-maroquin parme par Paul Bonet, a été adjugé 3 384 €, à Drouot, le 23 mai 2023 par la maison Audap & Associés assistée par Christian Galantaris lors de la dispersion de la bibliothèque J. van Hernandez.

Pour ne pas être en reste, les libraires exposants ont tiré de leur réserve des ouvrages et des documents de et sur Colette, notamment le Feu Follet avec un Portrait photographique de Colette à la peau de lion (Paris 1907, 28,7×20,4cm, une photographie contrecollée sur carton). La future académicienne Goncourt apparaît « languissamment allongée sur une peau de lion et recouverte d’une peau de léopard ». Tout juste séparée de Willy, elle se produisait comme pantomime dans les music-halls parisiens, créant le scandale par sa nudité. Le Libraire Castagné a sorti l’ouvrage de Françoise d’Eaubonne, Le Complexe de Diane (Paris, Juillard, 1951), une défense de Simone de Beauvoir et du Deuxième Sexe, un exemplaire du service de presse offert à Colette, avec un long envoi autographe signé. Simone de Beauvoir rencontra Colette chez Simone Berriau, directrice du Théâtre français. Mona Ozouf a rapporté qu’elle fit grand cas de l’écrivain, appréciant ses héroïnes. « Elle aime aussi le personnage, sa tête lui « revient ». Mais elle est rebutée par le contentement de soi qu’affiche la romancière, lui reproche la médiocrité de son horizon, la ténuité de ses préoccupations, son horreur des idées générales. Colette, au reste, la reçoit fraîchement, c’est à peine une rencontre »…

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