Conserver la curiosité dans son palais

Publié le 29/01/2025

Cette édition originale « curieuse » a été adjugée 150 €

SVV Thierry de Maigret

Il est un personnage que les bibliophiles connaissent davantage comme le véritable créateur de la science héraldique. Certes, il a publié La Science héroïque, traitant de la noblesse, de l’origine des armes, de leurs Blasons, & Symboles, etc. (Cramoisy, 1644. Deux parties en un volume in-folio), dont un exemplaire de l’édition originale relié en veau havane moucheté au chiffre CC, a été adjugé 1 150 €, à la salle Favart, le 4 février 2022 par la maison Ader. Marc Vulson de la Colombière (mort en 1658) ou sieur de la Colombière, car c’est de lui qu’il s’agit, était certes un héraldiste, mais aussi historien, poète et membre de la cour royale français. « Il a publié plusieurs livres à grand succès sur les symboles, les prophéties, l’héraldique, les rêves, etc. Il a rassemblé toutes les connaissances et traditions disponibles associées à la chevalerie », disent les dictionnaires. Fort de ses recherches, il a aussi composé, parmi une dizaine d’ouvrages, Le Palais des curieux, ou, l’algèbre et le sort donnent la decision des questions les plus douteuses : et ou les songes et les visions nocturnes sont expliquez selon la doctrine des Anciens, dont un exemplaire relié ensemble avec le Traité des songes et des visions nocturnes, selon la doctrine des Anciens, & de leurs significations. (À Paris, chez Pierre Lamy, 1647. Deux ouvrages en un volume in-16) dont un exemplaire relié en veau, dos lisse orné, a été vendu 150 €, à Drouot, le 10 décembre 2024 par la maison Thierry de Maigret assistée par Emmanuel de Broglie, du cabinet Revel.

L’état de cet exemplaire, dont il manque le faux-titre et un feuillet in fine, court de marge avec manque au texte, comprenant des restaurations anciennes au titre, à quelques feuillets et à la reliure, explique le faible montant de l’adjudication. Mais les vieux ouvrages, et celui-là en est la preuve, peuvent apporter encore aux bibliophiles, amateurs et spécialistes, un intérêt que les plus neufs ne peuvent soutenir. Le Sieur de la Colombière était, semble-t-il, originaire du Dauphiné, d’une famille noble et huguenote. On raconte en effet que, durant sa jeunesse, Marc Vulson combattit au côté d’Henri de Navarre, le futur Henri IV. Il était le fils d’un avocat prénommé François, avocat, et de Michelle Odde de Bonniot. On sait qu’il épousa en 1618 Louise de Blanchot dont il eut une fille prénommée Françoise. Selon certaines chroniques publiées vers la fin du XVIIIe siècle, il aurait surpris sa femme en adultère, la tuant elle et son galant,à Grenoble en 1618. À l’issue de son procès, il se rendit à Paris afin de solliciter sa grâce, qu’il obtint. Depuis, raconte le Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique, on menaçait dans la région du Dauphiné les femmes coquettes de la vulsonade.

Le sieur de la Colombière ne sembla pas pâtir de ces meurtres : il fut député au Parlement de Paris et gentilhomme de la Chambre du Roi, décoré de l’Ordre de Saint-Michel. À Grenoble, il était conseiller du roi en la cour du Parlement de Dauphiné. Gageons que ses explications des songes l’ont conduit, comme il l’écrit à propos du songe « tuer un homme », à la « seureté de ses affaires ».

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