Conte autour de Charles IX – Qui a volé le premier de l’an ? (I)

Publié le 27/12/2021

Plus bas, sous ses yeux, un jardin descend en terrasse couvert de vignes et plus loin, une forêt de chênes.

BGF

La fenêtre à meneaux ne permet pas de distinguer ce qui se passe dans la cour du château. Charles-Maximilien penche la tête, la plume qui orne son chapeau effleure la croisée de pierre qui obstrue en partie la vue. Il pose les mains sur le rebord sculpté comme s’il cherchait à sentir le pouls de la bâtisse. Il est le roi de France depuis la mort de son frère François, et surtout depuis son sacre à Reims, il y a cinq ans. Déjà. Oui, il est le roi et déclaré majeur ; mais il n’exerce aucun pouvoir. Sa mère, la reine Catherine, la Régente, ne semble pas prête à laisser le pouvoir. Elle veille à tout. Sans elle, aurait-il entrepris ce grand tour de France où, dans chaque ville et village, il est exhibé devant ses sujets, sous prétexte de les connaître ? Charles n’en a cure, il sait que le but de cette longue errance est de tenter de pacifier le royaume aux prises avec une énième guerre de religion. Le jeune homme, dont les joues commencent tout juste à être ombrées par une barbe blonde, hausse les épaules. Il profite de ces instants de solitude, loin des murmures et des conversations de son entourage qui le pressent sans cesse en attente d’un regard, d’un sourire, d’une faveur.

Plus bas, sous ses yeux, un jardin descend en terrasse couvert de vignes et plus loin, une forêt de chênes. Il imagine sentir les parfums des bois, de l’humus des feuilles, des taillis. Il voit des cerfs bondir par-delà les chemins, il entend les cochons grommeler en sortant de leur bauge, les chiens donner de la voix. C’est décidé, demain, il fera découpler la meute. Après tout, n’a-t-il pas composé en vers, un traité de la chasse ? N’a-t-il pas encore forcé un cerf seul par monts et par vaux ? « Bien, se dit-il, fort de sa décision, allons voir si la forge que j’ai fait installer de l’autre côté de la cour, est prête. Vadeboncœur, mon palefrenier, m’a averti que le fer de l’antérieur droit de mon palefroi avait sauté. Nul ne le sait, sinon mon entourage, que j’aime travailler le fer. Cela fait sourire mon cousin Navarre qui fouette d’autres chats. Il m’accompagnera demain et nous galoperons de conserve à cor et à cri ».

Sous les arcades de la cour, le roi se heurte justement à ce fameux cousin qui lui annonce, avec sa voix affligée d’un énorme accent qu’il a attrapé durant sa petite enfance passée à courir avec les petits paysans de son royaume, une étonnante nouvelle. « Nous allons perdre ou gagner comme tu le sentiras, une année de notre vie ! – Allons donc, que me chantes-tu là. – Adieu le 25 mars et la semaine qui conduit après lui jusqu’au premier avril, nous débuterons désormais l’année le 1er janvier ». Le roi hausse les épaules songeant à une nouvelle lubie de la Régente. « Je t’explique le phénomène, poursuit Henri. Il semblerait que notre calendrier est en retard avec la lune, et de grands savants nous font récupérer ce retard. Tu vas voir, tu vas être obligé de signer un décret. Après tout cela ne changera rien pour nous. Jour de l’Annonciation ou premier jour de la nouvelle année, peu importe, pourvu que nous chassions ». (À suivre)

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