Conte de Noël : Les discours de la meute

Publié le 23/12/2024

BGF

« Willie ! » La voix du jeune garçon, plus haute d’un cran, se veut autoritaire. Mais le chiot, tout de blanc vêtu, n’en a cure. Ce qui lui importe, c’est de jouer, de bondir, de mordiller les bas de pantalons et de jupes, de sauter sur le canapé en s’aidant de ses griffes pas encore tout à fait fermes. « Willie ! viens ici, au pied », tente de gronder Raphaël. L’enfant parvient à agripper le collier tout neuf de la petite chienne. Petit, c’est vite dit. Âgée seulement de deux mois, la golden retriever a déjà crû de quelques centimètres et s’éloigne peu à peu de son image d’ourson. La main du garçon ripe à nouveau du collier, rendant involontairement la liberté au fougueux animal. Celui-là fonce vers le sapin posé entre deux fauteuils et menace de le faire chuter, avec toutes ses boules et décorations. Ce serait une catastrophe. Grand-Mère, qui met toujours un grand soin à décorer l’arbre de Noël, demande à tous de ne pas pénétrer dans le salon avant la soirée. Elle craint toujours que les animaux bousculent les santons dans la crèche traditionnellement installée dans l’âtre de la cheminée.

La porte de la pièce est restée entrouverte. Raphaël calcule l’angle vers lequel il pourrait pousser Willie, afin de l’obliger à franchir le seuil. Une petite tape sur les fesses surprend le chiot moqueur. C’est presque gagné, lorsque tout à coup, un grognement, plus qu’un aboiement retentit, dans le couloir. Willie, surprise, s’immobilise et jette des regards apeurés vers la source de ce bruit qui lui semble familier. Ne lui rappelle-t-il pas les jappements qu’elle entendait depuis son panier dans sa première maison, alors qu’elle était blottie contre sa mère et ses frères et sœurs. Le chiot s’essaie à son tour à donner de la voix, sans grand succès. Il n’obtient que des gémissements. En écho, lui répond un grognement vindicatif. Raphaël est sur le point de crier à son tour afin d’intimer à l’importun encore dissimulé de l’autre côté de la porte, de filer et de remonter dans la chambre de sa maîtresse. Ce qu’il ne semble pas pressé de faire. Un dialogue semble s’installer entre les deux chiens. Que peuvent-t-ils bien se dire, se demande Raphaël. Sur le seuil, Willie s’est renversée sur le dos, prêt à se soumettre. Elle agite ses pattes, ventre offert, tout en continuant à émettre des petits cris, comme pour se faire comprendre.

De l’autre côté de la porte, Manoune au pelage roux, penche sa tête, les oreilles bien droites, vers le chiot, et s’est, semble-t-il, lancé dans une explication sans fin. Raphaël, stupéfait, suit cet étrange dialogue. Le jeune garçon n’a pas le temps de réfléchir plus longtemps, surgissent les deux complices de la meute de la maison : Liszt, cavalier King Charles et Douillette, bichon havanais. Ce deux-là, dès qu’elles se retrouvent, courent l’une après l’autre, se sautent dessus, tournicotent entre les massifs du jardin, autour de la grande table de la cuisine. Mais en ce moment, elles semblent sérieuses et se placent derrière Manoune, la grande. (À suivre)

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