Conte de Noël, les reproches à Willie

Publié le 26/12/2024

Un vent frais s’est faufilé sous le châssis disjoint de la porte-fenêtre. Dehors, des tourbillons neigeux frôlent et entourent les pots de géraniums et l’on devine, à l’opposé du parc, le clocher de l’église dégagé de sa vêture de haies. Les arbres qui retenaient tous leurs feuillages ont été abattus afin de laisser la place aux engins agricoles. « Nous aurons, désormais, l’impression d’avancer dans une plaine », se dit l’oncle Edouard à l’esprit mélancolique, un livre posé sur ses genoux, tandis que les enfants, dans la bibliothèque, bousculent les cartes d’un jeu qu’il ne comprend pas. Leurs rires et le bruit de la télévision allumée mais que personne ne regarde, masquent les grognements des chiens et les ordres de Raphaël.

Solène pénètre dans la pièce et se dirige vers Aliénor et Philippine, en grande conversation. « Venez donc nous aider à décorer la table », demande la mère de la seconde. Les deux demoiselles ne rechignent pas, se lèvent et s’apprêtent à traverser la maison pour se rendre dans la salle à manger. « Tiens, se dit la première, la porte du salon est entrouverte, Grand-Mère avait bien dit que nous devions attendre avant de découvrir le sapin et la crèche. » Elles passent la tête. Les lampes suspendues dans les branches du sapin éclairent leur visage de rouge, d’or et d’argent, ce qui les fait éclater de rire. Mais à l’opposé, derrière l’autre porte, elles aperçoivent leur frère et cousin, figé, les yeux écarquillés derrière les chiens. Ces dames-chiens sont bien attentives. Willie assise face à ses congénères ne pipe pas truffe. La tête un peu penchée, une oreille soulevée, la queue frétillante, elle n’ose pas courir. Philippine tente d’intervenir. Un grognement de Manoune la fait reculer. « Mais que peuvent-elles se dire toutes ces chiennes ? », demande Raphaël dépité. Aliénor sourit malicieuse derrière se grandes lunettes. « Te souviens-tu de l’histoire racontée par Grand-Père, L’Écuelle du rouge-gorge ? », demande-t-elle à son petit cousin. Devant l’air évasif du jeune garçon, elle lui rappelle le dialogue du gros chien Pataud et de l’oiseau tout au long de la veillée. Car il faut croire ce que l’on dit : les animaux parlent le soir de Noël. Les trois enfants se penchent vers la petite meute afin de tenter les entendre parler. Et Ô miracle, ils entendent Manoune reprocher à Willie de bousculer les habitants de la maisonnée ; Liszt qui, pourtant a peu apprécié son arrivée, prend la défense du grand chiot qui le dépasse d’un bon garrot : elle est encore un bébé, il faut lui pardonner, mais il y a des règles, elle, Liszt, n’a plus envie de jouer et de faire les quatre cents coups sauf avec sa complice Douillette.

« Ils parlent, on les comprend ! », hurle Raphaël à l’adresse de ses sœurs, et de ses cousins. Victoria et Armel se précipitent, suivis des grands dubitatifs, Léandre et Côme. C’est à qui parlera le plus fort pour se faire entendre. Willie susurre des mots doux à la petite fille, Douillette réclame une nouvelle ration de croquettes et Manoune répète à Armel qu’elle est sa maman chien. Liszt appelle Grand-Mère. Celle-ci a entendu et contre toute attente ouvre en grand les portes du salon, les enfants et la meute se précipitent, suivis des adultes attirés par le brouhaha. Tous admirent le sapin et entourent la crèche. Manoune et Liszt jappent pour attirer l’attention de l’assemblée et disent l’une d’une voix grave et l’autre aigüe : « Nous allons rester ici allongées ou couchées devant la crèche et protéger le Petit-Jésus, lorsque vous serez à la messe de minuit. » (FIN)

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