Conte de Noël – Philippine et la colombe (I)

Publié le 20/12/2021

Le colombier est enveloppé dans son manteau de lierre.

BGF

De l’autre côté de l’un des murs du parc, séparé par un chemin généralement boueux, se dresse une tour carrée. On ne voit que son toit en ardoise. Le reste est enveloppé par une forêt de lierres. Philippine, comme presque toutes les jeunes filles, rêve d’y pénétrer un jour et de s’installer dans la dernière pièce tout en haut. Elle s’imagine penchée sur le rebord d’une fenêtre. De là, elle verrait toute la campagne alentour, le lac en contrebas et sur le côté, la maison. Elle pourrait même surveiller ses sœurs et frères, et aussi ses cousins. Elle pourrait encore jouer à être une princesse prisonnière que Côme ou Léandre viendraient libérer. Ils grimperaient sur la muraille en s’agrippant aux épaisses branches feuillues du lierre. Le premier arrivé aurait droit à un chaste baiser qui la délivrerait.

Il fait bien froid aujourd’hui, en ce milieu du mois de décembre. On annonce de la neige, ce qui est bien étonnant. Philippine ne se souvient pas d’avoir fait crisser ses pas dans les allées blanchies. Après avoir ramassé les œufs dans le poulailler, elle rentre bien vite les déposer dans la cuisine où il fait bon. « Grand-mère ! Grand-mère ! », crie-t-elle dans le couloir longeant la salle à manger, manquant de se prendre les pieds dans la petite chienne Rhapsodie qui gambade autour d’elle. « J’en ai trouvé neuf ! ». Grand-mère sourit à sa petite-fille, qui tout d’un coup, a le regard fixe. L’enfant vient de découvrir un petit tableau suspendu juste au-dessus du bonheur-du-jour qui lui sert de bureau. Elle n’y avait jamais fait attention. Il représente la fameuse tour enveloppée dans son manteau de lierre. « Tu vois, lui dit sa grand-mère, la tour comme tu le dis, était déjà comme cela à la fin du XIXe siècle, date à laquelle ce tableau a été peint ». Et elle ajoute : « En réalité, cette tour est un pigeonnier, ou plus exactement comme te le dira l’oncle Édouard, un colombier ». Les yeux grands ouverts, Philippine voit déjà des nuées de colombes toutes blanches voleter autour d’elle.

« Il faut faire revenir des colombes, comme autrefois », dit naïvement la jeune fille. « Cela va être difficile, lui rétorque sa grand-mère. D’abord, les oiseaux ne peuvent pas y pénétrer, à cause de l’énorme feuillage qui l’entoure ; ensuite, nous ne connaissons pas l’état du bâtiment. Il est sans doute dangereux d’y pénétrer ». Philippine fronce ses sourcils, ses yeux bleus s’éclairent davantage. Elle remue la tête et des mèches blondes volettent autour de son visage. « Même si c’est l’oncle Édouard qui m’y emmène ? ». L’enfant est tenace. Au fait, comment est fait un colombier ?

Celui qu’elle appelle oncle Édouard, trois livres sous le bras qui menacent de s’échapper, ne se fait pas prier et se lance dans une explication imagée dans laquelle elle voit des dizaines d’alvéoles, des nichoirs percés dans l’épaisseur des murs de la tour. Chacun recevait un couple de colombes. Combien de ces petites niches sont-elles ainsi creusées ? Chacune devait autrefois correspondre à un demi-arpent de terre détenu par le propriétaire. Toi qui aimes le calcul, sache qu’un arpent carré égale 0,34 hectares. (À suivre)

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