Croc blanc

Publié le 06/02/2020

Croc blanc

Gallimard

Partir à la découverte d’un des derniers grands fauves qui résistent sur cette terre, voilà le défi fou qu’a un jour lancé Vincent Meunier, photographe animalier, à Sylvain Tesson.

« Tesson ! Je poursuis une bête depuis six ans, dit Munier. Elle se cache sur les plateaux du Tibet. J’y retourne cet hiver, je t’emmène »…

Partir loin, Sylvain Tesson en a l’habitude ; prendre son temps pour découvrir les autres, leurs habitudes, leurs terroirs, mais surtout leur histoire, voilà ce qui anime l’écrivain lors de ses voyages.

Ici, c’est une tout autre aventure qu’il se lance : « Moi qui aimais courir les routes et les estrades, accepterais-je de passer des heures immobiles et silencieux ? » (p. 15).

Le défi est lancé, et Sylvain Tesson, accompagné de Vincent Meunier et deux autres camarades, vont s’envoler vers les grandes steppes du Tibet, là où l’aventure a encore un sens, quand les éléments se déchaînent dans un univers difficile où une poignée d’hommes et de femmes vivent simplement.

C’est une quête personnelle pour Meunier, mais elle va se transmettre à tout le groupe, mû par une quête quasi existentielle. Voir la panthère des neiges et ramener des preuves de son existence pour montrer au plus grand nombre la beauté de ce monde qui disparaît peu à peu…

Ce que l’on aime dans ce dernier opus de Sylvain Tesson, c’est comme toujours ce côté nature, grands espaces qu’il sait si bien retranscrire. Il nous fait voyager avec lui et ce petit groupe, nous nous retrouvons tapis dans le froid… dans l’attente infinie de voir la bête, mais quelle est-elle ? Une panthère des neiges, un animal quasi mystique pour certains, une ombre magique pour Vincent Meunier.

Cet animal est entouré de mystères ; elle ne se laisse approcher que très furtivement par quelques initiés et Sylvain Tesson est de ceux-là.

Il y a un côté naturaliste, très dépouillé dans ce récit et en même temps un côté introspection. En effet, l’attente met Sylvain Tesson dans un état de veille mais aussi de réflexion et son esprit vagabonde pour revenir régulièrement sur une femme à laquelle il assimile la panthère des neiges : quel plus bel hommage à une femme aimée…

On oscille entre les descriptions de cet espace infini et les remarques plus terre à terre qu’il fait sur notre vie citadine, la politique, les effets de l’homme sur cette terre, et c’est ce qui nous touche dans ce livre ; entre poésie et grande réflexion philosophique, des références littéraires classiques et d’autres moins, on imagine que c’est le temps passé à attendre avec pour seul dérivatif la prise de notes dans de petits carnets, ces divagations autour du confort de l’homme moderne venu s’encanailler sur les hauts plateaux du Tibet et peut-être ainsi retrouver l’essence même de ce qu’est la nature sauvage…

Un récit fort, intense, et qui met en lumière la plus belle relation entre un homme et l’animal, le respect de la vie sauvage, mais pour combien de temps encore ?

LPA 06 Fév. 2020, n° 151f4, p.20

Référence : LPA 06 Fév. 2020, n° 151f4, p.20

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