Croisières sur cartes postales

Publié le 28/04/2023

Cette carte représentant le Cricket Club de Singapour a été adjugée dans un lot de 56 cartes à 185 €

Morand & Morand

Les cartes postales sont comme des billets pour un voyage dans le passé. Il y a un certain nombre d’années, les collectionneurs se battaient afin d’obtenir une série, des modèles rares, des vues insolites. Des guides donnaient des conseils aux amateurs pas encore avisés, afin de les aider à reconnaître des cartes postales anciennes ; des argus établissaient des cotes calculées par des amateurs transformés en professionnels… Parmi tout ce petit monde, un commissaire-priseur s’était fait une spécialité. Vêtu de la robe d’officier ministériel – il était le dernier à la porter – il adjugeait des lots entiers de cartes qui racontaient la vie d’autrefois, les contrées lointaines, les techniques, les trains, les bateaux, la montagne, la mer, bref tout ce qui était la vie. Son fils a repris le flambeau… ou plutôt le marteau ! Sa dernière vente, organisée à Drouot le 14 mars 2023, a dispersé quelque 300 lots.

Une trentaine, parmi d’autres, de cartes de la Malaisie a été adjugée 95 €. Le « Station hôtel » était vraiment grandiose. Parmi un autre lot comprenant 41 cartes et adjugé 140 €, avec toujours des vues de la Malaisie, on distingue un groupe entourant « Le Sultan avec les autorités britanniques ». C’est de l’histoire ! Huit lots consacrés à la ville de Singapour totalisant 303 cartes, adjugés entre 80 € et 165 €, montrent une ville qui a complètement disparu. Nous chercherions en vain une vue de l’hôtel Raffles Singapore, afin de recueillir un avis de Paul Morand qui y séjourna. Faute de l’entendre, nous nous sommes tournés vers William Somerset Maugham qui affirmait que le Raffles était « le creuset de toutes les fables de l’Orient exotique ». On affirme encore aujourd’hui qu’un après-midi de l’été 1921, deux gentlemen capturèrent sous le billard de l’hôtel le dernier tigre de Singapour. À l’origine, il flirtait avec le bord de mer ; aujourd’hui, l’hôtel est enchâssé dans une gangue urbaine et a perdu toute son aura. Mais le Raffles demeure. « Et quand la nuit vient, alors que le Palm Court s’illumine et que monte le parfum des fleurs, on oublie tout à fait la superficialité de cet oasis cerné de gratte-ciel », note Martin Meade, l’un des auteurs de l’album Palaces et Grands Hôtels d’Orient (Flammarion, 1992).

Mais dans ces cartes, nous n’avons le droit que d’admirer le Singapore Cricket Club, encore vêtu de ses teintes rougeâtres. Celui-ci a été établi en 1852 sur le Padang. À l’époque, du terrain très dégagé on ne voyait pas les tours dressées comme des allumettes sortant d’une boîte métallique…

Quittant Singapour, le voyage se poursuit grâce à ces images d’hier. Et nous préparons de nouvelles escales au Laos, au Tonkin, où l’on voit un « Tigre tué placé sur un brancard pour le transport » (9 cartes, 55 €). Puis l’on file vers le Cambodge, dans les environs d’Angkor et ses temples (9 cartes, 70 €), vers la Birmanie, la Chine et tellement d’autres contrées.

Morand & Morand, 3 rue Ernest Renan, 75015 Paris

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