Dans des collections célèbres

Publié le 18/08/2023

« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé Truc et truqueurs au sous-titre évocateur : « altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous reprenons sa publication, consacrée au faux en tout genre, en feuilleton de l’été.

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« Ce bataillon du Second Em­pire comptait dans ses rangs le duc d’Aumale, marquis de Thuisy, Du Sommerard fils, le comte de la Beraudière, le colonel Penguilly l’Haridon, Bazi­lewski, Chabrières-Arlès, Weber, le prince de Cara­man-Chimay, le prince Soltykoff, le vicomte de Courval, Léonce Leroux, Odiot, Aimé Desmottes, le prince L. Czartorisky, Eugène Piot, Ad. de Rotschild, Ernest de Rozière, le comte de Pourtalès, le comte d’Armaillé, le comte de Saint-Seine, Ed. de Beau­mont, le baron Charles Davillier et bien d’autres, dont plusieurs, parmi les plus regrettés, furent mes maîtres ou mes amis d’antan.

En ce temps-là, Randcar père avait acheté, au Havre, pour le prince Soltikoff, deux belles armures de joûte qui se trouvent aujourd’hui au Musée d’ar­tillerie. Dans le même lot, il avait eu quelques pièces détachées d’une armure gothique, mais le prince les avait refusées, ne voulant que des équipements com­plets. Randcar les avait gardées pour son compte. Quelque temps après, l’habile antiquaire dénicha d’autres pièces de la même époque et les fit porter à son atelier de réparations, chez l’armurier des cui­rassiers de la garde, près des Champs-Élysées. On les mit à la forge. On les modifia de façon à compléter l’armure gothique, en conservant soigneusement les poinçons anciens, de telle façon que le harnais ter­miné portait un nombre inusité de marques de toutes provenances. L’armure resta chez le père Randcar, à Vaugirard, couchée sur un coffre de mariage, jusqu’à son départ pour Lyon. Elle le suivit dans cette dernière ville et à sa mort, son fils Louis Randcar en hérita. Il y donna le dernier coup de « fion », en faisant ajourer les bords des pièces ajoutées, par des percements en trèfle tels qu’ils existaient déjà sur les plus anciennes, et vendit l’armure à Zerspit. À la vente du célèbre ama­teur marchand, elle passa dans une collection célèbre et on peut la voir maintenant au Musée métropoli­tain de New York.

La seconde histoire, aussi vraie, est peut-être plus curieuse encore. Horace Walpole avait acquis, en 1772, à la vente du baron Crozat, une superbe armure pour le combat à pied, entièrement dorée et damasquinée. Elle fut achetée à la vente de Stamberry Hill, en 1842, par le prince Demidoff. À la vente de ce dernier, en 1863, Sir Richard Vallace s’en rendit acquéreur à un tel prix que son père, le marquis d’Hertford, fut sur le point de le faire interdire. Sir Richard fit emballer soigneusement son armure et la mit en dépôt dans une exposition à Londres, en la faisant assurer pour la somme fabuleuse de 20 000 livres sterling. » (À suivre)

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