Dans le secret des dieux…

Publié le 03/10/2017

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Prenez le monde actuel où, la société de consommation ayant été exacerbée au maximum, les individus ont détourné leurs anciennes adorations vers de plus modernes, ainsi de nouveaux dieux ont émergé : le dieu Internet, le dieu Média, le dieu Télévision, et leurs acolytes, Ville, Bois ou encore Pierre.

En partant de ce postulat, Neil Gaiman, auteur américain prolifique de science-fiction et de bandes dessinées, imagine ce qu’il est advenu des anciens dieux délaissés et de leur cohabitation avec les idoles technologiques, leur lutte incessante pour regagner des fidèles et retrouver leurs autels.

À l’occasion de la sortie retentissante de la série American Gods, diffusée par la chaîne Starz et Amazon Video, mettant en scène notamment l’acteur Ian Mc Shane (gueule cassée que certains auront notamment vu en tenancier de saloon irascible dans la série Deadwood, ou encore dans Game of thrones), on découvre, ou l’on se replonge dans le livre éponyme, œuvre planante écrite par Neil Gaiman, parue il y a 16 ans et qui a raflé pas moins de 5 grands prix littéraires dont le prestigieux prix Hugo en 2002.

L’histoire s’ouvre sur une cellule de prison où Ombre Moon, ancien braqueur de casinos, achève de purger sa peine. Appelé dans le bureau du directeur, on lui apprend qu’il sera libéré immédiatement car sa femme, Laura, est décédée dans un accident de voiture.

Ombre, déboussolé, doit donc se rendre dans la petite ville des États-Unis où il vivait avant le drame afin d’assister à l’enterrement.

Mais dès sa sortie de prison, les choses dérapent. Ombre rencontre un homme mystérieux, qui se fait appeler Voyageur et qui lui propose un emploi : l’accompagner partout, le protéger si nécessaire, le temps qu’il réunisse certaines personnes.

Ombre comprend vite que Voyageur n’est pas un simple citoyen, mais un dieu déchu, le puissant Odin, aujourd’hui mis de côté au profit des nouveaux dieux et qu’il souhaite réunir les autres divinités cachées aux quatre coins du pays, afin d’engager une lutte sans merci contre les nouvelles idoles pour reprendre le pouvoir de la croyance, regagner leur puissance passée et éviter d’être jetés aux oubliettes.

S’engage alors un road trip décalé, traversant une Amérique dévorée par le capitalisme et complètement désenchantée, où les perspectives d’Ombre sont chamboulées au contact de djinns, de leprechauns et autres créatures antiques, tantôt effrayants, tantôt bienveillants.

Neil Gaiman alterne les chapitres, rythmés et électriques, où Ombre suit le destin sur lequel l’entraîne Voyageur, et ceux, peut-être plus mystiques, plus touchants, où il décrit un instantané dans la vie de l’un des anciens dieux, un moment de gloire, un instant de lutte, un échec, chez ces divinités à forme humaine, privées de pouvoir car privées d’adoration, qui se battent pour continuer d’exister.

On apprécie particulièrement la finesse de l’auteur lorsqu’il dépeint la personnalité de ces puissances finalement si humaines, avides de reconnaissance, cruelles, mais parfois aussi, lucides ou tendres.

Réfléchie et palpitante, l’œuvre de Neil Gaiman nous mène à une réflexion intéressante sur les croyances et les valeurs, l’importance de ce qui est légué par les générations, et même, sur le pouvoir de l’imaginaire collectif.

On dévore le bouquin avant de se ruer sur la série, une fois que la version française sera sur les écrans !

LPA 03 Oct. 2017, n° 129b8, p.15

Référence : LPA 03 Oct. 2017, n° 129b8, p.15

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