De battre mon cœur s’est arrêté

Publié le 12/04/2018

Laurent Philippe

Vendredi 6 avril 2018, l’Opéra Bastille frémit d’excitation… Soirée de première pour l’Opéra de Paris. Le public se presse pour voir Roméo et Juliette. Mais pas n’importe quelle version, celle de Sasha Waltz, créée en 2007 pour l’Opéra de Paris sur la partition d’Hector Berlioz.

Dans cette version, Sasha Waltz souhaite rendre les émotions sans raconter l’histoire de manière littérale. C’est pourquoi elle a retenu la version de Berlioz ; c’est cette musique qui pour elle l’a guidée afin d’appréhender ce drame : « Berlioz m’a aidée, expliquait-elle au moment de la création. Il expose l’histoire dans le prologue et puis la symphonie la fait éclater en fragments ».

Cette symphonie dramatique qui relate l’amour impossible entre Roméo et Juliette est moins connue que la version de Tchaïkovski ou de Prokofiev. Toutefois, elle est restée dans les mémoires comme un grand moment où le chant, la danse et l’opéra se mêlent sur scène avec une centaine d’interprètes qui rejoue le drame des amants de Vérone.

Dans cette version, le décor est constitué de deux plates-formes perpendiculaires articulées qui se lèvent et se baissent en fonction des scènes.

Cet artifice permet au danseur, Germain Louvet, de donner un véritable numéro d’équilibriste ; il monte, court, glisse, il est happé vers le sol, jouant avec les lois de la gravité.

Les danseurs excellent dans cette interprétation, les pieds en canard, dodelinant parfois, toujours proches de l’abandon, les corps sont déliés, en torsion, les portés aériens.

Les prestations de Julie Boulianne, Yann Beuron et Nicolas Cavalier qui partagent la scène avec les chœurs et les danseurs, rendent hommage à la musique de Berlioz.

Sasha Waltz qualifie souvent ces œuvres d’« opéra chorégraphique », car c’est une constante chez elle, les chanteurs font partie intégrante de la mise en scène, on découvre même que certains peuvent esquisser quelques pas de danse, fort à propos.

Le tout est très bien exécuté, mais on ne peut s’empêcher de constater un manque d’âme dans cette version.

Sasha Waltz souligne que « son théâtre n’est pas narratif, mais émotionnel et abstrait » et c’est vrai que la proposition est forte et intéressante mais l’émotion n’est pas vraiment au rendez-vous.

Tout est parfait (trop !) le public est ravi mais ne vibre pas…

Les représentations vont se succéder en souhaitant que la passion qui anime les amants va se réveiller et laisser place à l’ardeur si ce n’est à l’exaltation que mérite cette œuvre.

 

LPA 12 Avr. 2018, n° 135p9, p.16

Référence : LPA 12 Avr. 2018, n° 135p9, p.16

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