De la « biblio-philosophie » pour bibliophile
Un exemplaire de cette édition originale a été adjugé 1 880 €
Binoche & Giquello
À l’entrée du mot « bibliophile », Octave Uzanne écrivait, en 1896, dans son Dictionnaire bibliophilosophique : « Ce devrait être un titre de mandarin lettré et resté l’apanage du véritable ami des livres, de l’esprit cultivé, ayant le respect, la religion des lettres, le dilettantisme de la lecture, de l’œuvre rare… Mais les lettres de noblesse ne sont pas toujours bien portées. Demandez plutôt à Mascarille ! ». À l’heure où le Salon international du livre rare a fermé ses portes, nous pouvons nous demander si les règles souhaitées par Octave Uzanne sont bien observées. On affirme toujours avec un brin de méchanceté que les bibliophiles ne savent pas lire, sinon les titres des adresses bibliographiques. Toujours est-il que les Mascarille chers aux Précieuses Ridicules de Molière se sont, semble-t-il, confondus sous la verrière du Grand Palais éphémère, dans la foule des authentiques amateurs de livres anciens.
Octave Uzanne (1851-1931), à cheval sur deux siècles, avait conservé l’esprit du XIXe tout en le tirant vers le siècle suivant. Son activité se partagea entre la composition de romans fantaisistes, oubliés pour la plupart, et les rééditions de textes légers des XVIIe et XVIIIe siècles et d’ouvrages sur la femme, dont il se voulait l’historiographe. Parallèlement, il se consacra à des ouvrages originaux sur le livre, l’illustration, la reliure, la lecture, la bibliophilie et les bibliophiles. D’où ce dictionnaire, dont le titre complet se décline ainsi : Dictionnaire bibliophilosophique, typologique, iconophilesque, bibliopégique et bibliotechnique à l’usage des Bibliognostes, des Bibliomanes et des Bibliophilistins (Paris, Imprimé pour les Sociétaires de l’Académie des beaux livres, Bibliophiles contemporains, En l’An de Grâce bibliomaniaque, 1896. In-8). Tiré à 176 exemplaires nominatifs sur papier vélin, il se présente broché, en partie non coupé, non rogné, sous une double couverture, dont une chemise de parchemin rempliée à lacets de soie verte (étui de l’éditeur). Un exemplaire de cette édition originale a été adjugé 1 880 €, à Drouot, le 1er juillet 2020 par la maison Binoche & Giquello.
Publiée sur les fonds de réserve de la société de l’Académie des beaux livres alors dissoute, par les soins et sous la direction de l’auteur, cette édition est illustrée de 31 eaux-fortes hors texte, gravées d’après Granié et Heidbrinck, tirées sur Japon. Toutes les pages du volume sont bordées d’encadrements floraux, ceux du faux-titre, de la justification et du titre étant coloriés au pochoir. La première couverture est ornée par Georges de Feure d’une composition végétale dans des tons de vert, et la seconde, a été dessinée par Paul Berthon et imprimée en parme sur papier violet. La chemise de parchemin, complète de ses quatre lacets de soie, est ornée d’un décor gaufré à fond doré signé Belville. Le libraire Bertrand Hugonnard-Roche a eu la très bonne idée de réimprimer à 200 exemplaires cet ouvrage introuvable, pour la plus grande joie des non Mascarilles.
• Librairie l’Amour qui Bouquine, 14 rue du Miroir, 21150 Alise-Sainte-Reine
Référence : AJU006f4