De la caricature à l’affiche (1850-1918)
Nous voici ramenés avec ces œuvres à l’époque où la caricature se permettait presque tout dans l’irrespect ou la provocation. De ces images a découlé l’affiche.
L’exposition De la caricature à l’affiche du Palais Lumière à Évian interroge sur le rôle de la caricature qui, entre le Second Empire et la Troisième République, s’intéresse aux personnalités importantes défrayant parfois la chronique. Sur ces sujets d’actualité, il semble que les artistes aient le plus souvent banni toute censure. On retrouvait ces « critiques » dans des journaux satiriques fort connus : L’Assiette au beurre ou Le Rire. Henri de Toulouse-Lautrec, André Derain, Kees van Dongen ou Henri Gustave Jossot y travailleront jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Adrien Barrère, Planche illustrée, Professeurs de la faculté de médecine, 1904, lithographie couleur, 51 x 91 cm, collections du Musée des Arts Décoratifs.
Musée des Arts Décoratifs
Ces caricatures de presse ont marqué leur époque, elles étaient tout à la fois dénonciation et drôlerie et bénéficiaient d’un réel succès ; elles ouvriront la voie à l’affiche au tournant du siècle. Née en 1850, cette forme d’expression se présente tout d’abord en petits formats noir et blanc. Plusieurs domaines vont se distinguer suivant les périodes, les événements. Personne n’a oublié le visage en forme de poire de Louis-Philippe. Son auteur Charles Philippon a connu la prison pour cette image.
Ces caricatures sont souvent savoureuses. La cible des dessinateurs semble être les politiques autant que les mœurs. Ce sont aussi des publicités pour des artistes de cabaret avec un amusant portrait du chanteur Mayol par Adrien Barrère. De Gus Bofa, des compositions fort bien orchestrées tel L’Automatic Ducasble vantant l’excellence d’un pneu ou le dessinateur Eugène Cadel dont on remarque une affiche de 1901 pour L’Assiette au beurre. Images désuètes d’un monde disparu comme ces publicités d’Abel Faivre où une charmante jeune femme en robe longue descend sur ses skis.
À l’aube du XXe siècle, au moment où les artistes connus disparaissent, on a craint l’arrêt des caricatures ; c’est alors que peu à peu l’affiche va prendre le relais, mais la caricature de presse demeure. Grand nom de son époque, Henri Gustave Jossot se révèle souvent violent dans ses caricatures et légendes ; anti-clérical, libertaire, il ne réalise jamais d’effets gratuits. Les dessinateurs vont influencer le surréalisme, ils se moquent de tout. On découvre au fil des cimaises des affiches d’artistes : Polaire ou Odette Dulac, ainsi que de théâtre. À voir encore, le caricaturiste mondain Cappiello ou Cham. La précision du dessin, l’expression des personnages, l’invention sont présentes. L’on est parfois impressionné par ces œuvres, ainsi la Une du journal La Lanterne agrippé par les mains crochues d’un homme-chauve-souris et une nuée de corbeaux, le tout d’un noir profond ; une lourde charge contre l’Église d’Eugène Ogé qui se révèle plus sage et drôle dans d’autres lithographies. On reconnaît la célèbre « Bénédictine » avec un serveur en gros plan sur fond jaune vif, c’est devenu une tendance de les colorer. Les artistes inventent des concepts pour faire vendre les produits.
Une salle est réservée aux humoristes ; on y retrouve Théophile-Alexandre Steinlen qui évoque la vie à Montmartre. On apprécie les œuvres de Jules-Alexandre Grün, Jean-Louis Forain, Charles Léandre. Les affiches de guerre témoignent de l’effort pour la reconstruction, les emprunts ; Francisque Poulbot est aussi présent. Les affiches contemporaines terminent le parcours avec des dessins parus dans Charlie Hebdo signés Cabu ou Wolinski, toujours avec la même verve.
Un vivant panorama de l’histoire de l’affiche qui évoque aussi une page d’histoire tant du dessin que de la politique.