Des « grotesques » très inventifs

Publié le 13/12/2023

Cet habit d’orfèvre par Larmessin est extrait d’un recueil constitué par René-Louis-Victor de La Tour du Pin, relié à ses armes, affiché 175 000 €

Librairie Camille Sourget

Qui ne connaît pas les portraits composés par Giuseppe Arcimboldo (1526-1593) ? Nous reconnaissons instantanément ces figures suggérées par des végétaux, des animaux ou des objets astucieusement disposés. Le plus célèbre d’entre eux est celui de Rodolphe II, empereur des Romains et roi de Bohême, en Vertumne. Ce dernier appréciait tellement la culture des jardins qu’il fut, après sa mort, divinisé et considéré par les Romains comme le dieu des jardins et des vergers. Arcimboldo, peintre à la cour du Saint-Empire romain germanique, a également laissé une abondante production conventionnelle. Il semblerait que ses portraits « grotesques » étaient destinés à amuser la cour. En réalité, ces figures n’étaient pas novatrices. Il existait déjà une tradition, depuis l’Antiquité, de masques bachiques ou hellénistiques formés d’éléments pris dans la nature. « Les peintures d’Arcimboldo sont donc conformes aux penchants maniéristes et jouent en permanence sur le phénomène psychologique appelé paréidolie, » assure son biographe Werner Kriegeskorte, qui ajoute qu’elles « sont absolument uniques ».

Même si Arcimboldo n’a pas laissé d’écrits, ni de suiveurs, la tradition « grotesque » a laissé des émules, notamment chez Nicolas de Larmessin (1645-1725). Ce dernier était fils de libraire qui portait le même prénom, et le frère du graveur, lui aussi appelé Nicolas, qui avait repris l’enseigne de son beau-père, graveur d’almanachs royaux, à l’enseigne de « La Pomme d’or ». Auparavant, il avait travaillé en collaboration avec son frère aîné et, après la mort de celui-ci, avec sa veuve. Il grava de nombreux portraits et d’almanachs royaux muraux.

Le principe de Larmessin inspiré par les mascarades du XVIsiècle était de dessiner les visages et corps composites, faits d’amalgames d’instruments, d’objets emblématiques ou évocateurs d’un métier ou d’un statut : vinaigrier, rémouleur, comédien, parfumeur, et même astrologue. Ils constituent, avec une merveille d’inventivité, un panorama des métiers de la fin du XVIIe siècle, très précis quant aux costumes, aux outils et instruments en vigueur à l’époque. On en compterait quatre-vingt-dix-sept ou cent planches, selon les chercheurs, dont soixante-deux par Nicolas II, quatorze par sa veuve et vingt-deux par Nicolas III.

Lors de la FAB, qui s’est déroulée à Paris fin novembre, sous le Grand Palais éphémère, la librairie Camille Sourget proposait pour 175 000 €, un recueil de 75 estampes et 682 planches de personnages de Costumes grotesques et métiers, provenant du Recueil de modes du règne de Louis XVI, 1700. Ce recueil a été constitué à la fin XVIIsiècle par René-Louis-Victor de La Tour du Pin, marquis de La Charce (1655-1714), filleul de Louis XIV, et relié en 2 volumes in-folio, en plein veau moucheté, titres dorés, à ses armes. Camille Sourget précise que les « portraits en mode » y sont particulièrement bien représentés, gravés par plusieurs membres de la dynastie Bonnart.

Librairie Camille Sourget, 93 rue de Seine, 75006

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