Des ondes musicales pour des concerts

Publié le 17/06/2022

Cet instrument, « ondes de Martenot », que l’on peut considérer comme l’ancêtre des synthétiseurs, a été adjugé 32 500 €

Aguttes

Les sons imaginés provenant des abysses s’étendent, crissent, vibrent et donnent une impression de fluidité. Sans l’invention de Maurice Martenot, nous n’aurions sans doute aucune idée de ces tonalités. Ce musicien, violoncelliste et pianiste était aussi un bricoleur impénitent. Affecté aux transmissions durant la Grande guerre, il eut à utiliser les lampes « triodes » et leurs oscillations. C’est ainsi qu’il joua avec des sons d’une pureté inouïe, sortis d’un autre monde, allant de l’extrême grave à l’extrême aigu. Poussant ses recherches, il mit au point un instrument dont le son naît des interférences entre deux fréquences, afin de produire par battements une onde se situant dans le spectre des fréquences audibles. Cette onde est amplifiée et transmise à un haut-parleur, un élément indispensable pour qu’elle puisse se répandre. Martenot donna son premier concert à l’Opéra de Paris du 3 mai 1928. Il était accompagné au piano par sa sœur Ginette. Le musicien inventeur tenait dans sa main droite l’extrémité d’un fil aboutissant à un parallélépipède ; de sa main gauche, il appuyait sur ce qui allait devenir, dans le langage des ondistes, la « touche », c’est-à-dire ce qui permet de varier l’intensité et l’attaque du son.

Sans entrer dans des détails techniques, ces recherches ont conduit à créer ce que l’on appelle « les ondes Martenot » ou les « ondes musicales », que nous retrouverons plus tard dans la musique électronique. Un instrument que l’on peut considérer comme l’ancêtre des synthétiseurs a été adjugé 32 500 €, à Drouot, le 10 mai dernier par la maison Aguttes, lors de la dispersion de la collection Siméon. L’objet se présente dans un meuble en bois clair sur quatre pieds, clavier à ruban souple mobile, portant le n° 144. On y a joint un haut-parleur à rosace.

Le sort de cet instrument sera éblouissant. Sans cesse perfectionné par son inventeur, il obtiendra une variété de timbres, d’attaques et de résonnances. Ceux-là le différencient absolument du Thérémine, un autre instrument électronique inventé en 1920 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen. Cet appareil a comme particularité qu’on en joue sans le toucher, en bougeant les mains dans un champ électromagnétique émis par deux antennes. Des années plus tard, les Beach Boys utilisèrent un dérivé du Thérémine pour leur chanson Good Vibrations. Robert Moog s’en inspira pour inventer le synthétiseur.

Quant à l’instrument de Maurice Martenot, sans cesse perfectionné, il sera utilisé notamment par Abel Gance, Fritz Lang, André Cayatte, Julien Duvivier, Marcel Carné, Laurence Olivier et encore par des compositeurs comme Ravel, André Jolivet, Arthur Honegger et Olivier Messiaen pour son opéra Saint François d’Assise.

• Aguttes, 164 bis avenue Charles-de-Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine

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