Des pièces uniques pas si uniques

Publié le 20/08/2021

« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur : « altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication, en feuilleton de l’été consacré au faux en tout genre.

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« En 1867, quand l’impératrice Eugénie entreprit de réunir les objets ayant appartenu à Marie-Antoinette, M. de Lescure fut chargé de rédiger le catalogue. Apercevant sur la table d’harmonie les lettres magiques, il n’hésita pas à inscrire au catalogue que le clavecin porte en lettres de cuivre doré la marque P. T. Petit Trianon. Il aurait pu tout aussi bien écrire « Pièce truquée ».

Croyez-moi, méfiez-vous des attributions historiques. Un de mes amis fut chargé de vendre un violoncelle-quart portant la marque de Stradivarius. Il avait ses papiers depuis 1786 : une lettre d’envoi du prince de Dombes, ce grand seigneur mélomane qui mettait son cordon bleu pour jouer du basson, aux concerts de la cour. Malgré ce certificat quasi-royal, c’est vainement qu’il passa sous les yeux des principaux luthiers parisiens. La missive était authentique, mais à l’instrument véritable on avait substitué, à une époque inconnue, un autre violoncelle. Il ne put recueillir qu’une offre dérisoire de quarante-cinq francs.

On a si vite fait de peindre sur un violon un écusson aux armes de France pour indiquer que l’instrument a fait partie de la chapelle musique de Louis XIV, ou sur une épinette italienne les armes de la famille d’Orléans ! Les musées de l’Europe entière exhibent de ces pièces uniques. Elles n’éblouissent plus que les voyageurs docilement trimballés par les agences internationales. On a le clavicythérium de l’empereur Léopold I, le clavecin de Joseph II, le piano de l’impératrice Carolina-Augusta. Tout récemment le musée d’Edimbourg vient d’acheter la harpe qui appartint autrefois à Marie Stuart et dont la malheureuse reine avait fait cadeau à un barde comme prix de concours. 23 000 francs, telle est la somme payée pour cette relique chaudement disputée par plusieurs jacobites passionnés !

Rassurez-vous. Nous n’avons rien à envier à l’Angleterre. Notre musée national de musique possède lui aussi sa harpe historique, et la reine qui en a pincé les cordes a eu une fin tout aussi tragique que la rivale d’Elisabeth. Le Conservatoire offre à notre admiration la harpe « authentique » de Marie-Antoinette. L’instrument est superbe ». (À suivre)

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