Dessiner la figure en Italie
Fondation Custodia
« Le dessin est la probité de l’art » disait Jean-Dominique Ingres. Avant lui, Giorgio Vasari (1511-1574) avait déjà saisi son importance comme préalable à une œuvre peinte. Mais, ainsi que le démontre l’exposition « Dessiner la figure en Italie » de la Fondation Custodia, le dessin est souvent une œuvre d’art à part entière, en témoignent les quelque 85 feuilles italiennes sur les 600 que possède la Fondation, et présentées actuellement.
Ces dessins proviennent de la collection de Frits Lugt, passionné par l’art graphique et qui, patiemment, a acquis ces pièces italiennes de haute qualité. Il s’est tout autant intéressé aux dessins flamands et français. L’exposition constitue une sorte d’hommage au collectionneur, disparu il y a 50 ans, créateur de la Fondation Custodia. Elle a pour thème : comment dessiner la figure à la Renaissance jusqu’au XVIIe siècle. À ces différentes époques, le dessin demeure essentiel : préparatoire à un tableau ou œuvre d’art, il révèle le travail de l’artiste, ses recherches de lumière, d’expression ou de composition lorsque plusieurs personnages sont présents. Évoquer un visage, son expression, une attitude, un groupe, c’est ce que propose l’exposition dans la diversité de l’écriture.
Ni chronologique, ni par école, l’accrochage se décline en quatre sections : « Étudier la figure », « Assembler les figures », « Composer », « Étudier la lumière » ; il devient possible de découvrir le processus de création de l’artiste. Les cadres italiens anciens mettent les œuvres remarquablement en valeur. Dès la Renaissance, la figure humaine avec sa singularité a intéressé les peintres qui tentent de la capter par des lignes, parfois reprises, afin de saisir la vérité du modèle. De Filippino Lippi à Guercino, d’Andrea del Sarto à Annibale Carraci ou Guido Reni, autant de styles et de médias pour révéler jeunes femmes, portraits, groupes, souvent avec fidélité à l’anatomie lorsqu’il s’agit de nus. Ici et là apparaissent un repentir, une ligne réécrite afin d’être au plus près de la vérité. C’est aussi le charmant groupe de jeunes femmes de Filippino Lippi, fort vivant.
La seconde partie de l’exposition s’intéresse aux détails anatomiques et en particulier aux mains : on découvre une délicate étude de Main portant un livre réalisée à la pointe d’argent et rehauts de blanc sur papier gris par Raphaël. C’est aussi l’admirable Tête d’homme de Federico Barocci. Puis ce sont des réalisations des figures entre elles ou des groupes. Ici, beaucoup d’inspirations religieuses, en particulier des Vierge à l’Enfant en des interprétations diverses mais toujours soucieuses d’exprimer l’amour maternel, comme cette étude à la plume et encre brune de Perugino. Celle de Domenichino, plus tardive, apparaît plus classique. Domenico Beccafumi réalise Trois Prophètes, remarquablement interprétés ; tout à leur conversation, ils semblent ignorer le public ; leur réalisation est sûre et sensible. De Giovanni Castiglione, Le Repos pendant la fuite en Égypte, huile sur papier, révèle un groupe vivant, on admire le drapé souple des vêtements, la vitalité des personnages…
Les études de compositions témoignent des recherches pour disposer harmonieusement les figures, les mettre en relation. D’inspiration biblique ou mythologique, on devine le souci de la traduction de l’espace. L’architecture est souvent présente dans ces dessins, souvent d’une belle virtuosité. L’étude de la lumière est primordiale, clarté ou clair-obscur, jeu de valeurs ; Une figure masculine assise dans un lourd manteau fait apparaître une gouache blanche qui illumine par endroit le lavis rouge-brun, le tout par Sigismondo Caula.
Par sa qualité, sa diversité, cette exposition mérite une visite approfondie. Depuis quelque temps, la Fondation Custodia propose en contrepoint de l’exposition principale l’œuvre d’artistes contemporains ; il s’agit aujourd’hui de deux graveurs : Anna Metz et Siemen Dijkstra.