Deux pièces à La Pépinière-Théâtre
Une bien agréable soirée que celle que l’on peut passer au Théâtre de La Pépinière en enchaînant deux spectacles de tonalité certes différente, mais tout à fait réussis.
À 19 heures, on participera aux Conversations avec ma mère, une pièce tirée du scénario du film Conversaciones con mamá de l’Argentin Santiago Carlos Ovés, adapté pour le théâtre par Jordi Galcerán. Mise en scène par Pietro Pizzuti, elle a été récemment jouée en Belgique, connaissant un franc succès.
Conversations avec ma mère.
Marianne Grimont
La mamá a 82 ans et son fils Jaime a passé la cinquantaine. Elle n’a rien perdu de sa fantaisie et vit dans un appartement que lui prête son fils, bourgeoisement établi avec femme, enfants, belle-mère jusqu’au jour où il perd son emploi. Sa femme, qu’on peut imaginer froide et tyrannique, le charge de demander à sa mère de quitter l’appartement. Alors que ses visites étaient rares et si brèves qu’il ne prenait pas le temps de goûter aux plats qu’elle cuisinait pour lui, cette délicate mission le contraint à s’attarder et à renouveler ses visites. Inévitablement, le dialogue fait d’affrontements et de tendresse qu’ils avaient en commun se renoue.
Elle ne quittera pas l’appartement où elle a accueilli un SDF, elle continuera son comportement de libertaire, affranchie des préjugés, elle réservera ses flèches à la belle-mère de son fils et étourdira celui-ci, plutôt calme et réservé, sous un flot de paroles chargées d’humour caustique. Au terme de sa vie, la voici encore chargée de pousser celui qui n’a cessé d’être son petit garçon vers la maturité et la liberté. Quant à la seconde partie, on ne révèlera pas sa progression onirique et ce passage vers le surréalisme. Les Argentins ont toujours apporté aux scènes de France et de Belgique le grain de folie qui les enflamme.
On ne peut manquer de souligner la performance des deux acteurs, figures emblématiques des théâtres belges. Jacqueline Bir est remarquable de subtilité pour incarner cette diva domestique à la fois forte et fragile, en ruptures et contrastes, donnant au texte toute sa force, sa beauté, ses nuances. Le jeu d’Alain Leempoel est tout aussi convaincant dans un registre plus en retrait et soumission.
À 21 heures, autre public, plus jeune, et autre comédie, plus « branchée » bobo et goût du jour. Salomé Lelouch, comédienne précoce, écrivaine prolifique, pétrie de talent, a écrit la pièce et la met en scène ayant choisi de décrire une campagne électorale entre les deux tours d’une présidentielle. Elle oppose la gauche à l’extrême droite. Quatre personnages se côtoient : un avocat et son acolyte, piliers de l’extrême-droite et du Front national, et deux jeunes femmes très engagées à gauche. Cette bipolarité partisane et ce choc des convictions sont perturbés lorsque l’une des jeunes femme et l’avocat tombent amoureux l’un de l’autre.
Politiquement correct.
Ch. Vootz
La question de savoir qui l’emportera dans cette confusion des sentiments est un prétexte pour entretenir une joute verbale empruntant au jargon politique ses conventions, ses redondances, jeux habiles sur les mots et charge aimable, piquante et acidulée. C’est léger, spirituel, malicieux, avec en plus cette confrontation, celle-ci plus profonde, entre le sérieux des engagements politiques et le sérieux des sentiments. Quelle valeur doit l’emporter ?
Les acteurs mettent beaucoup de conviction pour défendre leurs programmes partisans. Ils restent jusqu’au bout enfermés dans l’inévitable manichéisme et même si le mal finit par l’emporter, on ne le saura que très furtivement. Une petite phrase, tout à la fin. Le politiquement correct, ici, est sous le signe du rire.