Duguay-Trouin, un corsaire nommé amiral

Publié le 06/03/2024

Tessier Sarrou

Comment imaginer que l’un des plus fameux corsaires qu’a compté la marine française, a d’abord été tonsuré ? René Duguay-Trouin (1673-1736) était en effet promis à une carrière ecclésiastique. Mais le jeune homme lorgnait davantage les jupons des belles passant non loin du séminaire de Rouen où il suivait ses humanités. On rapporte qu’il enleva la maîtresse d’un conseiller au parlement trop pressant, pour l’en délivrer. Cet exploit de trop lui valut d’être expédié à Saint-Malo où son père « y commandait des vaisseaux armés tantôt en guerre tantôt pour le commerce suivant les différentes conjonctures. Il s’était acquis la réputation d’un très brave homme et d’un habile marin », explique-t-il au début de ses Mémoires. Toujours est-il que son père, descendant de négociants, qui avaient fait fortune en Espagne grâce au consulat français à Malaga dont ils avaient la charge depuis près de deux cents ans, le fit embarquer comme matelot volontaire ; il était âgé de seize ans. Deux ans plus tard, il obtenait son premier commandement de corsaire. Ce qui était fort courageux, car le futur lieutenant général des armées navales de France et commandeur de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis était sujet au mal de mer. Il avouait en effet, dans ses Mémoires, qu’il était toujours malade en début de croisière.

Un exemplaire de l’édition originale de ses Mémoires, complet d’un portrait de l’auteur par Larmesson en frontispice, de la vignette en page de titre et des quatre planches dépliantes, relié en plein veau marbré, le dos à 5 nerfs orné de dorures, la pièce de titre sur cuir rouge, a été adjugé 1 280 € à Drouot, le 25 janvier 2024 par la maison Tessier Sarrou. Il est dit par l’expert qu’en édition originale, ces Mémoires sont peu fréquentes « contrairement aux éditions pirates de Pierre Mortier ». Un comble pour un corsaire d’être concurrencé par un pirate, même imprimeur ! Un exemplaire de l’une de ces éditions « non autorisées » (Amsterdam, 1730, in-12), relié en veau marbré de l’époque, a été vendu 225 €, à Drouot, le 17 février 2022 par la maison Audap & Associés, assistée par Christian Galantaris.

Duguay-Trouin navigua en tant que corsaire jusqu’en 1697, date à laquelle il reçut son brevet de capitaine de frégate, devenant ainsi officier supérieur de la Royale. Anobli en 1709, le seigneur du Gué gravit tous les échelons de la marine militaire jusqu’à être nommé chef d’escadre à l’âge de 42 ans, c’est-à-dire amiral, puis lieutenant général des armées navales en 1728 à 55 ans. Selon ses Mémoires, on peut estimer à un peu plus de quatre-vingts le nombre de combats et d’abordages auxquels il participa ou qu’il dirigea de 1689 à 1711, soit en moyenne près de sept affrontements par an. Ses Mémoires, écrites sur le ton de la simplicité, font néanmoins peu de cas de tourner les événements à son avantage. Pour l’anecdote, il faut savoir que Robert Surcouf, autre grand corsaire, et Duguay-Trouin avaient un ancêtre commun au quatorzième siècle.

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