En souvenir de Laura Antonelli

Publié le 15/06/2021

En souvenir de Laura Antonelli

Grasset

Laura Antonelli, on s’en souvient. Actrice italienne propulsée vedette grâce à quelques films sulfureux et des affiches devenues mythiques puis devenue proie de démons tragiques. On la retrouve le temps de Laura Antonelli n’existe plus, le dernier roman de Philippe Brunel. « Propulsée vedette grâce à quelques films sulfureux » : grâce ou à cause ? Telle est l’une des questions de ce roman-quête. Devenir une vedette, c’est quoi ? Pour être et devenir qui ?

Au risque de se perdre. Ce pourrait être le sous-titre du livre évoquant en même temps le fil du rasoir sur lequel évolue le travail de l’écrivain, risque évident du romancier lorsqu’il se pique d’écrire sur une vedette ou une star déchue. L’exercice est dangereux, combien de fois a-t-on été déçu de voir telle vedette de cinéma traitée à la manière romanesque et parfois indécente. Ce n’est pas le cas avec Philippe Brunel, qui a su éviter toutes les embûches et d’abord la pire : l’impudeur. L’exercice est compliqué : comment parler et aborder l’intimité de l’autre en restant à la bonne distance ? Le narrateur évoque dès les premières pages déjà bouleversantes le piège de ce type de quête. Il est déjoué. L’empathie pour le personnage, plutôt la personne, le désir d’en savoir toujours plus, de comprendre, sont tissés avec un sens consommé du suspense : celle de la rencontre qui aura lieu, ou non, entre le narrateur et la star déchue qui va séjourner dans un asile psychiatrique à Civitavecchia et subir un procès dont, avec le recul, on se demande s’il était bien sérieux. Après neuf ans de procédure, elle est relaxée. Mais elle est détruite.

Au risque de l’écran. Laura, phénomène cinématographique d’un temps, fut d’abord un fantasme, celui des producteurs et des hommes à une époque où le cinéma italien faisait la part belle aux comédies érotiques. C’était le temps des films tournés par Edwige Fenech. Laura déboule comme un météorite avec le personnage d’Angela dans Malicia. L’affiche dévoile les charmes de Malicia – Angela – Laura et engendre les premiers malentendus. On est en 1973, une autre époque. L’Italie ne s’en remet pas, à l’image d’Alessandro Momo son jeune partenaire qui incarne un jeune garçon troublé à l’infini. Cannes, Rome, elle devient une star de l’écran, ses producteurs/réalisateurs se chargent d’en faire ce qu’ils en attendent. Parmi ceux qui ne l’ont jamais laissée tomber, le livre évoque à plusieurs reprises un acteur français qui fut son compagnon, sans jamais dire son nom. On ne le dévoilera pas non plus, mais il est aisément reconnaissable. Philippe Brunel a aussi l’art des portraits. Laura évidemment, mais aussi Salvatore Sampieri ou le fils de Dino Risi que l’on croise dans Rome, ville-personnage à part entière. Laura avait tourné pour Dino Risi, Ettore Scola, Mauro Bolognini. Il faut que l’on s’en souvienne.

Le livre fonctionne comme une enquête et un essai biographique. C’est cependant un roman. Souvent triste et nostalgique, l’auteur y mêle confidences personnelles et réflexions sur le cinéma. C’est un livre tout en délicatesse. Laura Antonelli le méritait bien.

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