Enki Bilal, saisissant

Publié le 04/10/2021

Couverture de Quatre ? : dernier acte, par Enki Bilal.

Artcurial

Ses personnages féminins sont plongés dans une teinte bleuâtre, leurs lèvres sont rouge sang, et il n’est pas rare de les voir dialoguer avec des créatures, voire des machines. L’univers d’Enki Bilal (né en 1951) est inquiétant, dérangeant et fascinant. Ses albums se vendent par milliers et il accumule les prix. Son curriculum vitæ laisse pantois : il expose ses Fantômes au musée du Louvre et au musée des Arts et Métiers en 2013. Et encore à New York, à Belgrade, Sarajevo, New Delhi, Pékin, ou plus récemment à Tokyo. Chanel l’invite à montrer ses peintures grand format. Mieux encore, en 1989, il réalise son premier film, Bunker Palace Hôtel, qui sera suivi en 1996 par Tykho Moon et en 2004 par Immortel, ad vitam. Ce qui le conduira à siéger en 2019, au jury du festival de Cannes, sous la présidence d’Alejandro González Iñárritu.

Artcurial mettra en vente, le 13 octobre prochain, une trentaine de dessins de ce phénomène inclassable de la bande dessinée. Celui vers lequel les regards se tournent d’abord est une encre de Chine et acrylique réalisée pour la couverture de l’album Quatre ? : dernier acte, issu de la Tétralogie du Monstre,dont on attend 100/150 000 €. Cette série, parue entre 1998 et 2007, était prévue à l’origine pour être une trilogie, il lui a finalement été ajouté un quatrième tome, comme cela a été annoncé à la fin du troisième. Il s’agit d’une histoire à trois voix. Celles de Nike, Leyla et Amir, orphelins de Sarajevo, exilés aux quatre coins du monde. Les critiques soulignent que ce récit repose avant tout sur la mémoire. Une mémoire individuelle et collective, marquée par l’éclatement de la Yougoslavie, « lieu » de naissance à Belgrade en 1951 d’Enki Bilal.

Celui-ci, qui était arrivé à Paris à l’âge de 10 ans, a débuté en 1972 dans la revue Pilote, avec le Bol maudit. Sa première série personnelle, la trilogie Nikopol, débuta en 1980. « Ce récit d’aventures et d’anticipation est sans aucun doute la plus célèbre de ses œuvres », souligne le galeriste Jean-Baptiste Barbier qui a organisé cet été une exposition reconstruktive en écho à l’exposition DéconstruKt, qui se tenait en parallèle chez Artcurial. Parmi les lots proposés le 13 octobre, on retrouve plusieurs planches issues des trois tomes de Nikopol. On compte encore un dessin à l’acrylique, pastel et crayon destiné à la couverture de l’album La Couleur de l’air de la trilogie Coup de sang. Il est estimé entre 80 et 120 000 €.

On a dit que Bilal a ouvert la porte à des milliers de lecteurs à l’art du beau bizarre et à la fascination pour l’étrange. Il a marqué durablement les esprits avec sa Femme piège, sa Foire aux immortels, son Froid équateur, son 32 décembre ou son Animal’z. Il les a emportés dans son univers à bord du Vaisseau de pierre ou de Partie de chasse. Mais il demeure encore mystérieux, avouant qu’il a passé sa vie à être un acteur de l’imaginaire. « Je m’y suis propulsé et développé, une grande partie de ma vie réelle devenant presque virtuelle ».

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