Escapade en Flandre française

Publié le 07/02/2017

À l’image de sa consœur outre-quiévrain, la Flandre française est riche de monuments emblématiques à 30 minutes de Lille. À ne pas rater surtout, le beffroi de Bergues, le moulin Steenmeulen, les traditions populaires d’antan via le musée de la vie rurale de Steenwerck, la renaissance de la production de bières locales à la brasserie Thiriez, et un repas dans un estaminet, le Trou Flamand, à Ledringhem.

Bergues : une ville d’art et son mythique beffroi

Bien avant le monumental succès du film Bienvenue chez les Ch’tis, Bergues, petite bourgade qui doit son nom à la colline de 22 mètres qui la surplombe, était déjà très visitée pour ses vieux ponts de pierre, ses quais et remparts, ses façades aux mascarons moqueurs.

Manne médiatique, les sympathiques frasques de Dany Boon ont fait passer le nombre de touristes annuels de 30 000 à 120 000. À l’office de tourisme, on peut encore admirer le vélo de postier du comédien et se prêter à une photo de légende ! La ville a bien sûr exploité le filon et un « Ch’ti tour » est organisé, même si, pour les puristes et les locaux, bon nombre d’erreurs jalonnent le film (on ne parle pas ch’ti à Bergues, mais flamand, le ch’ti étant une langue picarde ; il n’y a pas de baraque à frites à Bergues, etc.).

Le beffroi de Bergues.

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Le beffroi de Bergues figure parmi les 23 beffrois français classés au patrimoine mondial de l’Unesco et celui-ci, symbole comme les autres des libertés communales, est considéré comme l’un des plus beaux de l’Hexagone. Construit à partir de 1112, le beffroi de Bergues a eu diverses fonctions : porte de la ville, tour de guet, hôtel de ville et tour des cloches.

Ayez le courage de monter la centaine de marches pour admirer la ville d’en haut et voir le mécanisme du carillon. Piano ou orgue à quatre octaves, le carillon de Bergues laisse égrener ses notes chaque lundi, jour du marché, de 11 à 12h. Depuis 1644, la profession de carillonneur est rémunérée à Bergues, les carillonneurs s’achetant autrefois, car ils représentaient avec le beffroi des symboles de la suprématie du pouvoir de la commune sur la puissance seigneuriale et/ou religieuse. À Bergues, Jacques Martel est le carillonneur en titre depuis 1999 et le voir jouer est impressionnant tant l’instrument nécessite maîtrise et force physique pour taper à coups de poing sur les 49 touches en bois. Mais bien sûr, c’est sur la place en bas que le son est le plus mélodieux.

À côté du beffroi, les visites de la ville s’organisent autour des remparts, des vieilles pierres des maisons aux beaux mascarons ; sans oublier un achat de fromage de Bergues (fromage faible en matière grasse lavé à la bière lors de son affinage) et un passage obligé par le magasin d’usine de gaufre et de pain d’amande La Dunkerquoise ; autant de promenades qui vous permettent de rester au moins un jour dans cette charmante bourgade historique.

• Beffroi, Place Henri Billiaert, 59380 Bergues.

Le Steenmeulen de Terdeghem

Il n’y a pas que la Hollande pour pouvoir s’enorgueillir de ses moulins : les alentours de Lille en comptaient 270 et seule une vingtaine subsiste aujourd’hui, la plupart d’entre eux étant en bois. Or celui de Terdeghem a justement été construit en brique sur le modèle hollandais.

La visite vaut le coup pour le moulin en lui-même (un moulin à tour tronconique avec des ailes de 25 mètres d’envergure et trois paires de meules entreposées sur trois étages dans une belle charpente boisée), pour sa situation géographique (au cœur de ce pays des moulins, Terdeghem permet en un seul coup d’œil d’apercevoir quatre moulins voisins !), pour la personnalité de son propriétaire, Joseph Markey dit Jeff.

Cet homme-là est un roman à lui seul, la mémoire d’une région, la légende vivante des moulins et du sien dont il parle avec passion, voire même avec amour. Jeff a fait construire sa maison au pied de son moulin, pour aller tous les jours l’actionner. Depuis qu’il l’a repris à sa retraite, en 2000, ce moulin est toute sa vie, tant pour des visites pédagogiques (environ 4 000 par an) que pour reprendre un héritage familial remontant à 1938, lui même représentant la cinquième génération de meuniers.

Pour quelques passionnés qui aiment le produit brut, il fabrique encore environ 200 kg de farine blanche ou grise, mais a arrêté l’huile dont la production lui prenait trop de temps.

À côté du moulin, une véritable caverne d’Ali Baba avec des bâtiments de ferme qui abritent de vieilles machines agricoles, des tacos des années 1930 (tous en état de marche, assure-t-il fièrement), des pièces personnelles et touchantes de sa famille relatives à la ruralité flamande ; de quoi constituer un musée rural au cas où les journées de Jeff ne seraient pas assez remplies.

Comptez 1h30 de visite, mais la verve de Joseph Markey est telle que vous pourrez à plaisir discuter avec lui à l’infini et si vous êtes un groupe d’une vingtaine, un repas convivial de potjevleesch ou flamiche aux maroilles peut vous être servi.

• Steenmeulen, autouroute A25, sortie 13, 550, route d’Eecke, 59114 Terdeghem. Tél. : 03 28 48 16 10. www.steenmeulen.com.

La Brasserie Thiriez à Esquelbecq

Avant de poursuivre votre échappée flamande, ces visites vous auront sûrement assoiffés ou affamés !

À Esquelbecq, le lillois Daniel Thiriez a été initié à la bière par la Jenlain, une bière ambrée de caractère. Il part pourtant travailler plusieurs décennies dans un bureau avant de tout plaquer pour redémarrer un nouveau projet de vie. Et cela fait vingt ans maintenant qu’en pleine campagne, Daniel Thiriez vit sa passion de brasseur ; ayant compris, via un mouvement de fond aux États-Unis dès les années 1980, qu’un retour en grâce des bières locales et artisanales s’amorçait et toucherait un jour une région aussi « biéro-addict » que celle du Nord.

La brasserie Thiriez.

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Eau, orge ou froment, houblon, épices et levure : les ingrédients sont simples, mais ici les bières ne sont ni filtrées, ni pasteurisées, juste fermentées en cylindres puis bouteilles. Impossible donc, hormis quelques explications techniques, de voir de vos propres yeux la fabrication : tout se joue dans les cuves cylindriques. Mais vous pourrez, dans le local, goûter ou acheter une des dix bières fabriquées ici, la plus emblématique étant peut-être la « rouge flamande », une ambrée aux notes houblonnées de caramel.

La fabrication est de 2 000 hL par an, le fruit donc d’une « petite brasserie » ; mais Daniel Thiriez ne tient pas à s’agrandir outre mesure. Ancré régionalement, il pense au plaisir qu’on peut avoir en dégustant, en offrant ou en s’offrant ainsi des produits uniquement locaux ; ce qui contribue à leur rareté.

Sur place, si vous avez fait quelques excès de boissons, deux chambres d’hôtes existent à L’Oreiller de Houblon ; mais tant pour la visite que pour l’hébergement, la réservation par courriel ou téléphone est obligatoire.

• Brasserie Thiriez, 22, rue de Wormhout, 59470 Esquelbecq. Tél. : 03 28 62 88 44. [email protected] et www.loreillerdehoublon.fr.

L’estaminet du Trou Flamand à Ledringhem

Pour se restaurer, rien de mieux qu’un estaminet car ce type de restaurant représente toutes les couleurs d’antan de la Flandre, des bassins miniers.

Ici, comme il se doit, une décoration anarchique composée de moult objets dont des cafetières, moulins à café, branches de houblon accrochées au plafond, jeux en bois ; l’ensemble devant être agencé autour d’un bar. Au menu : de délicieuses croquettes de crevettes (les 2 à 8,50 €), de la terrine maison à la bière (7 €), du potjevleesch et de la carbonnade à 13,50 €, une tarte au sucre à 4,90 € et du pain perdu à la cassonade à 5,50 €.

Le soir, le lieu est connu pour sa programmation de concerts blues, rock, folk et hard rock.

• Au Trou Flamand, 2, La Place, 59470 Ledringhem. Tél. : 03 28 62 80 88.

Le musée de la vie rurale de Steenwerck

Le bâti est beau car il s’agissait de la ferme du XVIIIe siècle d’un monastère sûrement anéanti par la Révolution. L’idée de ce musée est intéressante car elle est née de la volonté du syndicat d’initiative et de quelques volontaires soucieux de préserver de la casse du matériel agricole, des « moteurs à crottin », car ceux-ci étaient la mémoire de la vie quotidienne en pays flamand. Tout le village a défendu le projet pour rechercher, restaurer, mettre en situation des milliers d’objets, témoins de l’économie locale, de la vie quotidienne d’une campagne flamande.

Place donc à tous les métiers d’antan qui fleurissaient dans les bourgs : bourrelier, charron, forgeron, vannier… Dans les diverses étables sont reconstitués les univers de la ferme et de ses animaux, ceux de métiers annexes tels que tonnelier, ébéniste, fileur de lin, maçon, couvreur, charpentier, chaumeur pour les anciens toits de chaume…

Dans les étages se déroule la vie au quotidien chez le cordonnier, à l’école, à la pharmacopée, en cuisine, chez le coiffeur, le chapelier, à l’épicerie, à l’église…

Quelques 20 000 visiteurs déambulent ici chaque année ; les anciens étant heureux de renouer avec le passé et plus jeunes étonnés de découvrir comment on vivait autrefois.

• Le musée de la vie rurale, 49, rue du Musée, 59181 Steenwerck. Tél. : 03 28 50 33 80. www.musee-steenwerck.com.

LPA 07 Fév. 2017, n° 124b9, p.13

Référence : LPA 07 Fév. 2017, n° 124b9, p.13

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