Féminisme avant l’heure
Éric Grangeon & Rare books
Nous avions eu entre les mains, il y a quelques années, un petit livre au titre accrocheur : Les Entretiens Galans d’Aristippe et d’Axiane. Contenant le langage des Tétons et leur Panégyrique (Paris, Barbin, 1664, petit in-12). L’auteur anonyme, dans ce roman par lettres, fait dialoguer une femme, Axiane, et un homme, Aristipe, à qui elle demande de « faire une galanterie » sur le titre Le langage des Tétons. Ce petit livre exquis et sans une once d’image licencieuse, pourrait être considéré comme un traité du féminisme. D’autant qu’Axiane semble mener Aristipe là où elle le souhaite. Le libraire Éric Grangeon, fort de cet enseignement empressé, propose dans son dernier Bulletin, le n°11, un autre ouvrage au titre non moins alléchant : L’Apothéose du Beau-Sexe (Londres, Van der Hock, 1741, in-12). « Ce texte qui est, selon le libraire, « tout à la fois féministe et quelque peu licencieux » n’a pas été imprimé à Londres, comme indiqué sur la page de titre, mais pour la première fois à Amsterdam, en 1741. Ceci pour éviter la censure en France. Il existe des exemplaires portant une date fautive de 1712, sans doute à la suite d’une erreur d’impression. « Le frontispice intitulé : la Boete de Pandore a été gravé par le Hollandais Pieter Yver, né en 1712 (et mort en 1787), ce qui exclut une impression cette année-là. L’exemplaire, proposé 1 800 €, imprimé en gros caractères, a été relié en veau moucheté et orné aux entre-nerfs d’un fer représentant une figure féminine. L’encadrement doré est orné de pivoines dans les coins. Si cette fleur symbolise toute sorte de sentiment, elle est considérée en Chine comme une fleur de pouvoir rassemblant la beauté féminine. Le relieur en avait-il conscience ? Quoi qu’il en soit, les gardes sont constituées d’un joli papier dominoté.
L’Apothéose du Beau-Sexe serait le premier livre de l’auteur. D’après Jules Gay (1807-1887), dans sa Bibliographie des ouvrages relatifs à l’Amour, aux Femmes, au Mariage et des Livres facétieux, pantagruéliques, scatologiques, satyriques (Gay et Fils, Londres, Bernard Quaritch, 1871-1873. 6 volumes in-12), ce livre est un « salmigondis en prose, curieux et souvent libre ». Ce qui n’est pas l’avis de Marc Angenot qui, dans Les champions des femmes : examen du discours sur la supériorité des femmes (Québec, 1977) écarte la supercherie. Il affirme que l’auteur « voue tout bonnement un culte religieux aux organes sexuels féminins. » Cet auteur est reconnu comme étant André-François Boureau-Deslandes (1689-1757). Né à Bandel en Inde française, il acheva sa carrière en tant Commissaire général de la marine à Rochefort. Il a laissé, selon les biographies, une douzaine d’ouvrages de littérature, d’économie et d’histoire. Outre les traités sur la marine, il a publié Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant (Rochefort, Jacques le Noir, 1712), réimprimé en 1714 et en 1755 et mis à l’index en 1758.
Référence : AJU016g0
