Femmes d’exception à Brive-la-Gaillarde

Publié le 06/07/2021

Vue de l’abbaye d’Aubazine.

DR

Simone de Beauvoir, Colette, Coco Chanel et encore aujourd’hui Sylvie Denoix à la distillerie familiale : autant de femmes mémorables qui ont marqué le territoire corrézien autour de Brive-la-Gaillarde. Promenades dans des lieux de prédilection.

Simone de Beauvoir à Uzerche

De chaque côté de la Vézère (affluent de la Dordogne), à Uzerche : la mémoire de l’auteure de Mémoires d’une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir, est un peu partout. Le long de la rivière, sur un parcours de 5 km, le chemin est ponctué de panneaux en porcelaine et en émaux avec des textes entraînant le promeneur dans des réflexions philosophiques et littéraires.

Près de la rivière, levez les yeux vers le village d’Uzerche, riche d’un beau patrimoine architectural, dont une église romane.

Mais c’est à Meyrignac, dans sa maison de vacances estivale, que son souvenir se perpétue avec le plus de force et d’émotion. Normal, car son petit neveu, Martial Dauriac, propriétaire des lieux, a la verve enjouée, le mot humoristique pour évoquer sa « vieille » tante.

À Meyrignac, nous dit-il, l’esprit de liberté de cette figure emblématique du féminisme se vivait au quotidien et il était propice à sa création littéraire. Non sans émotion, il montre le catalpa, la table ronde en fer forgé sur laquelle Simone de Beauvoir travaillait et qu’elle décrit par ces mots : « Après les effusions familiales et le petit-déjeuner, je m’asseyais sous le catalpa devant une table de fer, et je faisais mes devoirs de vacances ».

Selon ses propos, des Américains traverseraient même l’Atlantique pour voir cet arbre et ce mobilier.

Pendant 12 ans, Simone a passé ses vacances d’été dans la maison familiale de son grand-père et Martial Dauriac de poursuivre en nous disant que c’est aussi ici à Saint-Ybard que son aïeule s’est affranchie de toute religion, de toute enfance, de toute convention avec Jean-Paul Sartre, son ami et compagnon de vie.

S’ils pouvaient parler, les splendides arbres du parc, les tulipiers de Virginie aux hêtres à feuilles de fougères auraient de nombreuses anecdotes à raconter !

Si vous êtes passionné(e) par Simone de Beauvoir, voir ces lieux de son enfance est possible en se renseignant à l’office de tourisme.

• Office de tourisme du Pays d’Uzerche, 0 place de la Libération, 19140 Uzerche. Tél. : 05 55 73 15 71

Avec Coco Chanel à l’Abbaye d’Aubazine, une perle cistercienne du XIIe siècle

Certes, à l’opposé de nombreuses abbayes, il manque à Aubazine un beau cloître déambulatoire des moines. Mais cette ville de Citeaux, fondée au XIIe siècle par Étienne de Vielzot (devenu Étienne d’Obazine) est une pure merveille. Elle est la plus grande abbaye du Limousin ; des associations et dons privés, ainsi que la Mission Bern sont en train de la sauver et de lui redonner son lustre d’antan.

Un patrimoine du XIIe siècle préservé. Accolés à l’abbaye en elle-même, une fontaine monolithique dans le jardin, un vivier de poissons, une salle du chapitre avec des voûtes tout en douceur et une douzaine de colonnes pour rappeler les 12 apôtres, un scriptorium pour la rédaction des manuscrits, les anciennes cuisines et leur imposante cheminée, le couloir accédant au dortoir des moines et son sol en pisé et pierres aux symboles spirituels, la statue d’une Vierge médiévale… La plupart de ces éléments n’ont jamais été abîmés, endommagés par la guerre et c’est sans parler des vitraux de l’église et son sublime meuble pour ranger ostensoirs, chasubles, tous les deux du XIIe siècle.

Malgré la richesse de ces éléments, il règne ici et selon les principes et la règle de saint une grande sobriété, un ensemble très épuré ; ce qui en fait toute sa beauté.

Gabrielle, l’orpheline d’Aubazine ? Mythe ou réalité : on ne sait pas, car Gabrielle Chanel n’a jamais évoqué son enfance et aucune preuve administrative n’atteste de sa présence. Pourtant, tout porte à croire que la créatrice de mode a vécu dans cette abbaye qui était à cette époque-là un orphelinat. Sa mère meurt à Brive en 1895, son père colporteur abandonne alors ses 5 enfants, dont Coco avec deux de ses sœurs dans cet orphelinat où travaillait sa tante comme lavandière. Les 3 petites auraient séjourné plusieurs années à Aubazine, et Gabrielle de 12 à 18 ans au moins.

Bien sûr, devenue Coco, la grande couturière n’a jamais voulu parler de cette enfance miséreuse et elle aimait à brouiller les pistes pour alimenter la légende ; mais tout porte à croire que l’abbaye a été une grande inspiration dans sa vie. Les arabesques des vitraux gris, appelés « grisailles » auraient inspiré les entrelacs de sa signature au double « C ». Un des animaux sculptés dans les stalles de l’église est un lion, son animal de prédilection. Quand elle fait construire sa résidence secondaire de Roquebrune, la villa La Pausa, elle demande des fenêtres comme celles d’Aubazine et surtout un profond escalier semblable à celui qui conduisait des chambres des orphelines à l’église.

Des signes tangibles de sa vie à l’abbaye. En 2021 a été célébré le 50e anniversaire de la mort de Coco Chanel (1883-1971), et les équipes de la maison sont revenues plusieurs fois aux sources. Lors du défilé haute couture pour le printemps-été 2020, le décor improvisé lors du show au Grand Palais, sous la direction de Virginie Viard (elle a succédé à Karl Lagerfeld), reprend les jardins en carré d’Aubazine et la fontaine en son centre. En 2017 a été présentée à la foire horlogère de Bâle une montre en diamants directement inspirée de l’une des grisailles de l’abbaye. Tout porte donc à penser que Coco a bien mis ses pas dans ceux des moines d’Aubazine…

• Abbaye d’Aubazine, 2 place de l’église, 19190 Aubazine. Tél. : 05 55 87 39 52

Colette en ses jardins

Les jardins de Colette, ouverts en 2008, ont acquis une belle maturité végétale, les arbres et les fleurs ayant maintenant suffisamment poussé pour une harmonie globale.

Le but des jardins est de mêler la vie de l’auteure à ses lieux de vie traduits en végétation tout en y associant des mots, de l’humour et du ludique pour les enfants.

Les jardins reprennent les 6 principaux lieux de vie de Colette : la Bourgogne où elle est née (« Là on peut tout cueillir, tout manger, tout quitte et tout reprendre », disait-elle) ; la Franche-Comté, premier pays d’écriture et son grand succès Claudine à l’école ; la Bretagne, qui la pousse vers une carrière de music-hall ; la Corrèze, évocatrice de son second et de la naissance de Bel-Gazou, sa fille ; la Provence, qui lui fera écrire : « Quel pays ! Je n’en veux pas d’autre ! », et enfin Paris et les jardins à la française du Palais Royal…

Mais ces jardins sont avant tout éducatifs : invitation à la méditation sur des phrases de Colette, jeux géants tels que mikados, dominos, jengas, forêts à grelots, animaux…

Extraordinaire est le labyrinthe en forme de papillon, animal fétiche de Colette. Le labyrinthe est composé d’osier vivant, de brins hauts d’environ 1m50 plantés et dressés 2 à 2. Pour se perdre… sans danger toutefois !

• La Chassagne, 19240 Varetz. Tél. : 05 55 86 75 35. Site : www.lesjardinsdecolette.com

La distillerie Denoix : une affaire de famille

S’il est une femme heureuse à Brive-la-Gaillarde, c’est bien Sylvie Denoix : après de nombreuses années à la tête de la distillerie, elle a passé le flambeau de la maison familiale à son gendre et sait que la relève est assurée pour quelques décennies encore, ses petits-enfants habitant au-dessus de la distillerie ; ce qui les initie dès leur plus jeune âge aux effluves de noix, de gentiane, d’armagnac, de cognac, de fenouil et d’orange…

Un nom prédestiné. À l’origine, un certain Lacoste qui distillait du curaçao avec lequel Denoix s’associe. Jouant sur son nom, il a l’idée géniale d’exploiter un produit local, la noix, pour la distiller, la faire macérer et la transformer ainsi en liqueur. Et d’un nom prédestiné Denoix de devenir l’inventeur de la liqueur de noix. Voilà un homme qui avait tout compris du marketing au XXIe siècle !

Une fabrication inchangée depuis le XIXe siècle. La maison peut s’enorgueillir d’être le dernier liquoriste français à travailler comme au siècle passé. L’alambic est toujours le même, en cœur de ville, pour un produit respectant la recette d’origine : une fierté justifiée et une émotion qui pointe naturellement si vous avez la chance de visiter la distillerie avec Sylvie Denoix.

En juillet, une dizaine de tonnes de noix vertes arrive toujours à la distillerie pour que soit extrait un jus amer qui, additionné d’alcool, va rester 5 ans dans des fûts de chêne limousin. À cette distillation s’ajoutera du sucre de betterave pour le fleuron maison, la liqueur de noix ou Suprême Denoix. Pour révéler d’autres parfums, une macération avec ajout d’écorces d’orange, de plantes aromatiques, d’épices, de cacao, de graines contribuent à l’élaboration de liqueurs apéritives ou digestives. Comme lors de la création de la Chartreuse, de la Bénédictine par des moines, le désir de défendre Dame Nature et ses vertus parfois médicinales ou la volonté de créer des goûts inédits et subtils est sous-jacent à la création des diverses saveurs.

Entreprise du patrimoine vivant depuis 2007

Avec une recette inchangée depuis sa création, Denoix peut s’enorgueillir d’avoir obtenu le label « Entreprise du patrimoine vivant ». L’alambic, les chaudrons de cuivre, les foudres centenaires sont visibles et encore en activité. Une réelle chance pour les 7 personnes qui travaillent encore totalement manuellement sur du matériel d’origine et une belle émotion pour le touriste qui visite !

• Denoix, 9 boulevard du Maréchal Lyautey, 19100 Brive-la-Gaillarde. Tél. : 05 55 74 34 27. Site : www.denoix.com

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