Paris (75)

Figures et bestiaires : les sculptures de Picasso

Publié le 06/12/2022

La Chouette, 1953, terre cuite moulée peinte

Succession Picasso

Peintre exceptionnel, Picasso a tout autant été un extraordinaire sculpteur, comme le rappelle la présentation à la Galerie de l’Institut avec quelques-unes de ses sculptures les plus importantes.

Cette exposition constitue un événement, car elle réunit pour la première fois dans une galerie parisienne des œuvres réalisées entre 1905 et 1962, ainsi que 35 toiles et dessins qui rappellent l’invention de cet artiste ainsi que la diversité de sa création. Deux thèmes majeurs ont été choisis : « La Figure », présentée rue des Beaux-Arts, et le « Bestiaire » rue de Seine.

Picasso s’intéresse très tôt à la troisième dimension. Il crée sa première œuvre en 1899, ce n’est alors qu’un essai mais dès 1905, il sculpte une Tête de Femme (Alice Derain) qui se démarque du naturalisme. Rapidement, sa sculpture va s’inspirer du primitivisme, en témoigne Femme se coiffant où l’on perçoit un désir de synthèse et, sans doute, l’influence de Gauguin. De ses recherches, de nouveaux rapports avec l’espace va naître. Tête de Femme (Fernande), sa première sculpture cubiste, est une relation évidente avec sa nouvelle expression picturale.

Durant près de quinze ans, Picasso délaisse l’œuvre sculptée pour se consacrer à la peinture ; il la reprendra avec des périodes plus ou moins intenses de création, et ce ne sont pas moins de 650 sculptures qu’il a laissées et dans lesquelles il ne cesse de se renouveler. Il aime expérimenter, trouver d’autres chemins, d’où l’immense variété de son œuvre. Vers 1930, à la forme solide, il préfère des figures filiformes, souvent en bois, puis il travaille la tôle découpée, pliée et peinte. On découvre en particulier un autoportrait et un portrait de Jacqueline, images du couple très rarement exposées. Dans son vaste atelier de Boisgeloup, dans l’Eure, il réalise une série de Femmes, le plus souvent inspirées de ses compagnes : Tête de Femme (Dora Maar). Ce sont souvent des bustes au long cou, des figures aux traits massifs, au nez important et aux lèvres charnues d’où émane la sensualité.

L’exposition présente un ensemble de petites figurines en argile de 1940, puis il revient à une certaine abstraction. Extraordinaire est le Bestiaire qui rassemble des animaux avec lesquels vivait Picasso : chats, chiens, colombes, chèvres et des taureaux symboles de son attachement à la tauromachie. Aux alentours des années 1950, il sculpte une Guenon et son petit, œuvre dans laquelle il révèle encore son génie créatif, puisqu’il la réalise à base d’objets divers. La guenon semble d’une vérité absolue et le spectateur est loin de soupçonner que la tête est constituée par deux petites autos et jouets d’enfants ; deux anses de tasses figurent les oreilles, et le corps est obtenu par une amphore. Toute l’invention de l’artiste s’exprime là encore. En même temps, il sculpte un magnifique et fier Coq en bronze ; il en réalisera de nombreux autres en peinture, dessin et sculpture. À découvrir parmi tant d’œuvres intéressantes, une Chouette si naturelle et vivante en un dessin expressif. À retenir encore, le très fin portrait de Jacqueline accoudée.

Sculptures, peintures, dessins dialoguent et démontrent qu’ils sont étroitement liés dans la création de cet artiste si singulier. Picasso étonne, séduit par son génie de la création et par une remise en question permanente. En perpétuelles recherches, il est aussi bien figuratif qu’hermétique dans ses évocations de l’humain ou de l’animal.

• Galerie de l’Institut, 12 rue de Seine et 3 bis rue des Beaux-Arts, 75006 Paris

Jusqu’au 17 décembre 2022

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