Filiger à la galerie Malingue
Charles Filiger, Homme nu assis devant un paysage (1892).
Malingue, Paris
Charles Filiger (1868-1928) est un peintre dont le nom ne dira rien à beaucoup de personnes.
Ce fut André Breton qui le fit redécouvrir à la fin des années 1940. L’écrivain avait acquis, en 1949, une de ses gouaches, puis il collectionna ses œuvres jusqu’à la fin de sa vie. André Breton le considérait comme un surréaliste, très singulier et à contre-courant des autres peintres de l’école de Pont-Aven.
Charles Filiger fut associé au symbolisme dès les premières années de ce mouvement. Il étudia d’abord les arts décoratifs puis se spécialisa dans la peinture à l’Académie Colarossi, qui était située rue de la Grande-Chaumière à Paris. En 1888 et 1889, il exposa au Salon des Indépendants, et il séjourna à Pont-Aven et au Pouldu. Ce fut au cours de ce séjour qu’il s’associa à Paul Gauguin et se joignit aux artistes de la colonie de Pont-Aven, qui regroupait Paul Sérusier, Charles Laval, Meiji de Haan, Armand Séguin, Henry Moret et Émile Jourdan.
Mais Filiger développa un style très personnel dans ses paysages de Bretagne et dans ses scènes d’inspiration religieuse, ce qui le démarquait des autres peintres.
À partir de 1890, Antoine de La Rochefoucauld décida de lui verser chaque mois la somme de 150 francs, en contrepartie de sélectionner et de conserver ses meilleures œuvres. Après le départ de Gauguin, en 1895, les artistes de la colonie de Pont-Aven se dispersèrent. Filiger déménagera dans plusieurs lieux de la région. Il s’isola même, vivant en retrait du monde. Antoine de La Rochefoucauld arrêta à ce moment le versement de sa rente, et, ainsi, la vie de Filiger devint quasiment misérable. Malade, alcoolique, il devint taciturne.
Charles Filiger s’était lié d’amitié avec Alfred Jarry, qui publia, en 1894, un article sur le peintre et Rémy de Gourmont. Émile Bernard voyait en Filiger un disciple de Gauguin, dont l’art est caractérisé par un mélange de formes byzantines et de l’art breton populaire.
À Pont-Aven, le peintre était une figure mythique. Pour Filiger, cet endroit était un endroit idéal et fertile pour son imaginaire.
Dans ses compositions, il eut une approche géométrique et abstraite, et ses visages sont sans expression. Ses sujets nous montrent son intérêt pour la peinture et la tradition des primitifs italiens, telle sa Vierge et l’Enfant de 1892.
Ses paysages, comme Breton Shore, sont l’expression de la caractéristique synthétique créée par Gauguin et de la simplification des formes de Jan Verkade, peintre que Filiger rencontra au Pouldu. Jan Verkade qualifia le travail de Filiger en disant : « Il a produit très peu, mais j’ai vu quelques très belles gouaches. Ce sont des peintures essentiellement religieuses qui rappellent les œuvres byzantines et les œuvres primitives italiennes. Elles sont tout à fait personnelles et très modernes ».
En 1907, Filiger travailla sur ses Notations chromatiques, empruntes d’abstraction et dans un jeu de figures exacerbées de mysticisme qui se mêlent à des lignes géométriques.
C’est un travail curieux, hors de tout temps, d’un artiste qui recherchait un idéal spirituel, un absolu, mais lové dans une terrible tourmente personnelle.