Flaubert ancré en Seine-Maritime
Le parc de Clères et son château.
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Le bicentenaire de la naissance de l’écrivain Gustave Flaubert se révèle en 3 sites à visiter : le parc de Clères et son château, la maison Vacquerie et l’abbaye de Saint-Georges de Boscherville. Bien sûr, on pourrait visiter la maison Marrou et l’opéra de Rouen, le château de Martainville, l’abbaye de Jumièges. Notre choix est délibéré, ne pouvant couvrir toute la vie de Gustave Flaubert liée à ce département de la Seine-Maritime. Et comme lui-même écrivait, « les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière » ; concentrons-nous donc sur 3 lieux pour appréhender cet écrivain majeur du XIXe siècle.
Né à Rouen le 12 décembre 1821, Flaubert est presque devenu un ambassadeur de la Seine-Maritime ; car ses écrits sont liés au territoire de la Côte d’Albâtre à la Seine, en passant par des descriptions de la ville aux 100 clochers (Rouen) dans Madame Bovary et d’Étretat dans Bouvard et Pécuchet.
Alors qu’il a vécu près de 25 ans dans un logement de fonction à l’Hôtel-Dieu où son père exerçait en tant que chirurgien-chef, Gustave Flaubert rédige l’essentiel de ses romans dans sa demeure de Croisset, loin du monde. Mais lors de ses voyages à Paris, il côtoie, entre autres, la poétesse Louise Collet, Zola, Maupassant, les Goncourt, Maxime Du Camp, un compagnon de ses voyages en Orient, en Grèce et en Italie, George Sand, qui viendra trois fois en Normandie voir son « vieux troubadour ».
Loulou au parc de Clères
Qui est Loulou dans l’œuvre de Flaubert ? Un des personnages d’Un cœur simple, nouvelle écrite en 1876 ; mais aussi un perroquet, une amazone à front bleu vivant en Amérique du Sud et pensionnaire à Clères au même titre que les loriquets, les perruches, les autres cacatoès et aras… Il imagine le perroquet tenant un rôle important auprès de Félicité, une pauvre servante à la vie bien rude.
Dans cette étonnante propriété, le contraste entre un parc arboré avec des essences plantées au XIXe siècle et donc des arbres remarquables et parfois classés (séquoiadendron, wellingtonia, buis marqueté) et une réserve animalière de 1 400 animaux (wallabys de Benett, paons, cervidés, gibbons, antilopes…), dont 1 000 vivent en semi-liberté.
Cet ensemble était déjà éclectique et l’œuvre d’un original, Jean Delacour, aussi passionné par la botanique que l’ornithologie et la préservation d’espèces en voie de disparition. Autant dire que les enfants seront passionnés par ce château de la Renaissance aux multiples tourelles, par une promenade entre les wallabys sauteurs et les paons en parade nuptiale et amoureuse… De grands panneaux expliquent la vie des perroquets, des « Loulou » vus quelques mètres plus haut dans de grandes volières.
• Le parc de Clères, avenue du parc, 76690 Clères. Tél. : 02 35 33 23 08
Les voyages en Orient à Villequier
Que dire de cette maison en bord de Seine qu’est la maison Vacquerie, le musée Victor Hugo, si ce n’est qu’elle a un charme fou entre les boucles de la Seine, qu’elle est aussi un lieu de mémoire triste suite à la noyade de Léopoldine et de son mari. Ici, le grand Victor Hugo est venu se recueillir sur la tombe de sa fille chérie et on se souvient des vers : « Demain, dès l’aube… ».
En 1829, Hugo écrit Les Orientales, suivi 30 ans plus tard par Flaubert avec son Salammbô. L’Orient est dans le domaine de l’imaginaire de tous les artistes du XIXe siècle. Les contes des Mille et Une Nuits, les campagnes napoléoniennes en Égypte poussent les audacieux à voyager et à aller dans ces pays, ce qui devient presque un incontournable pour tout jeune qui a quelques moyens financiers. S’évader en Orient, être transporté au-delà des frontières du vieux continent est comme un rite initiatique pour la nouvelle génération.
Les textes, les dessins, les correspondances de Victor Hugo et de Gustave Flaubert sont autant d’exhortations aux rêveries ; tout comme le merveilleux parterre de fleurs qui est devant la maison, un tapis de 15 variétés florales différentes.
• Maison Vacquerie, rue Ernest Binet, 86490 Rives-en-Seine (Villequier). Tél. : 02 35 56 78 31
Dans l’abbaye Saint-Georges de Boscherville
La sublime abbaye romane du XIIe siècle (imposante par ses dimensions), nous entraîne dans l’univers gourmand de Flaubert, décrit dans son œuvre Bouvard et Pécuchet.
Il était tout trouvé d’associer les deux, puisque les moines aux XVIe et XVIIe siècles (ici des bénédictins de la communauté mauriste) créaient toujours proches de leur lieu de culte des jardins répondant aux sept obligations de leur apostolat : se nourrir avec fruits et légumes grâce à un potager et un verger, fleurir la Vierge avec des parcelles florales, se soigner avec des plantes médicinales, avoir du vin de messe avec des pieds de vigne, assaisonner avec des plantes aromatiques, etc.
Dans sa toute proche propriété de Croisset, Flaubert est venu souvent ici se ressourcer, partager des repas entre gastronomes et même arboriser les lieux avec son amie George Sand. C’est d’ailleurs dans son repaire du Croisset que Flaubert a écrit son œuvre magistrale, Madame Bovary. Publiée en 1856, cette étude des mœurs provinciales révolutionne la littérature par son audace et l’héroïne, Emma, de narrer sa vie dans un bourg normand « à huit lieues de Rouen ».
C’est grâce à une gravure du XVIe siècle et à une illustration colorée du XVIIIe siècle que les jardins ont pu être reconstitués. Ils sont l’œuvre de Michel Racine, architecte, directeur de formation à l’école du paysage de Versailles et initiateur de l’ouverture au public du potager du roi. À ses côtés, Béatrice Saurel, une paysagiste, arboriste et chromothérapeute.
Classés au titre du label « jardins remarquables », ces jardins fort bien entretenus montent jusqu’à la « maison des vents », une « fabrique » propice à la méditation ou à l’astronomie. Du lieu, on admire un panorama superbe, transformant l’ensemble en un jardin de panoramas, de points de vue sur la campagne environnante, la lointaine Seine dans ses boucles.
Sur le côté droit quand on regarde le village dans le fond de la vallée, la petite chapelle accueille l’œuvre de l’artiste-botaniste, Pascal Levaillant.
Au plafond et comme un objet d’art en trois dimensions, un panneau avec des boîtes de Petri en verre renfermant des graines, des fleurs qui ont été traitées de manière à garder leur naturalité, leur fraîcheur et surtout leur couleur d’origine. Chaque élément, de l’avoine au lichen, en passant par le thym ou la marjolaine, est décortiqué, dépoussiéré en vue de créer un herbier ultra vivant et coloré.
Cet herbier contemporain délicieux est une vraie merveille de luminosité, d’éclat, de gaieté. Plus loin, dans les carrés entre de fins panneaux de bois, des bouteilles en verre au culot découpé contiennent des aromates de toutes sortes qui ont été séchés : une idée plus basée sur l’olfaction, néanmoins un peu défaillante car les plants, une fois séchés, perdent beaucoup en saveurs.
• Abbaye Saint-Georges de Boscherville, 12 route de l’abbaye, 76840 Saint-Martin-de-Boscherville. Tél. : 02 35 32 10 82.
Référence : AJU001b9