Fuji, pays de neige

Publié le 06/08/2020

Fuji, pays de neige

Pèlerin devant le mon Fuji, série des Cerisiers pour le cercle Katsushika, GAKUTEI Yashima (vers 1786-1868).

RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier

Évoquant le Japon, le nom du Mont Fuji s’impose d’emblée. Ce volcan sacré, mythique de 3 776 mètres ne cesse d’être célébré depuis le VIIe siècle par les Japonais qui lui vouent un culte particulier, attirés par la pureté de sa forme en cône, revêtu de neige et source de méditation, en particulier pour les moines.

Haut lieu spirituel inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2013, il est aussi source d’inspiration pour les artistes qui le célèbrent notamment à travers estampes et photographies comme en témoignent les quelque 70 œuvres présentées au rez-de-jardin du musée Guimet. Elles font partie de sa somptueuse collection de 11 000 estampes. Une intéressante diversité apparaît dans ces œuvres polychromes. Si la montagne est toujours présente, elle n’occupe pas forcément le centre de la composition mais elle est là, sorte de témoin éternel, partie intégrante de la vie des Nippons. Colorées, ces estampes frappent par l’intensité du blanc que les artistes obtiennent souvent en réservant le blanc du papier.

L’emblématique montagne, le sacré qui en émane, sont remarquablement transmis par Yashima Gatukei qui présente un pèlerin vu de dos, comme en extase, devant le Fuji enneigé. Sans détails inutiles et en une écriture d’une grande finesse, il exprime l’émotion ressentie par cet homme. Une atmosphère de spiritualité baigne cette œuvre. C’est toute la dimension de ce volcan, sacré ou profane, toujours protecteur. Certains peintres font référence à la littérature ; chacun propose une vision unique de ce lieu qui peut être enchanteur, poétique, mystérieux. Parfois le mont aux pentes régulières apparaît solitaire, majestueux ou dans le lointain, comme un décor, ainsi Rizières d’Ono dans la province de Suruga où Hokusai évoque des silhouettes de travailleurs sous l’égide du fascinant volcan avec une extrême finesse.

Immortaliser ce site unique est le but des artistes dans ces estampes aux multiples nuances : Hiroshige évoque le paysage avec poésie, minutie, subtilité, il possède le sens de la nature qu’il traduit en des accords chromatiques parfois intenses, son trait apparaît d’une extrême finesse. Il alterne ocre clair et plus foncé sur les pentes de la montagne et comme Hokusai, saisit les variations de l’atmosphère selon l’heure et la saison. Hokusai aborde ce lieu dans une vision plus lyrique, multiplie les angles de vue souvent avec une intéressante sobriété tel Fuji bleu, une perfection de la nature transmise par la fluidité du trait. Autre regard avec Fuji rouge qui, dans une perspective rapprochée se révèle toujours en majesté mais ici apparaît un bâtiment dans le lointain. L’artiste s’exprime également en gris et noir nuancés conférant au lieu un charme évocateur.

De la période d’Edo (1603-1868) à aujourd’hui, ces estampes donnent des visions très différentes de ce site, parfois réinventé, mais dans lesquelles le triangle de la montagne demeure visible. Elle est une référence incontournable, ainsi la retrouve-t-on comme motif pour la mode comme le révèle l’œuvre de Koryusai (1764-1788) où le Fuji figure sur un châle présenté par des courtisanes. Omniprésente, la neige figure dans la plupart des œuvres, elle ne saurait être séparée de la représentation de ce lieu ; sa douceur, son éclat contribuent à l’atmosphère de paix qui se dégage de cet endroit sacré. Parfois les artistes rehaussent le blanc de paillettes de mica qui rayonnent. Les artistes contemporains suivent l’exemple de leurs aînés comme Hasui qui excelle à rendre Un soir de neige à Terajima 1920 ; en couche épaisse sur toits et chemins elle adoucit le paysage. C’est encore Shozaburo qui, en 1953, peint la sérénité d’un temple par temps enneigé, quelques silhouettes de moines animent la composition. Beato photographie la montagne se découpant discrètement dans la brume et imposant cependant sa forte présence.

La fascination des Japonais pour le mont Fuji est perceptible dans ces créations où chacun laisse libre cours à son émotion, sa sensibilité.

LPA 06 Août. 2020, n° 155s3, p.23

Référence : LPA 06 Août. 2020, n° 155s3, p.23

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