Georges Braque et Henri Laurens40 ans d’amitié
H. Laurens, La mère.
ADAGP
Retrouver en 67 œuvres les liens indéfectibles d’amitié autant qu’artistiques qui ont uni leur vie durant le peintre et le sculpteur, c’est le but proposé par le musée de l’Annonciade de Saint-Tropez.
Ce regard sur la création de ces artistes qui ont échangé leurs réflexions durant plus de 40 ans présente un fort intérêt ; chacun a participé au cubisme mais en a saisi les limites et a évolué.
Henri Laurens (1885-1954) rencontre Georges Braque (1882-1963) en 1911 et c’est pour lui, une ouverture sur le monde de l’art. Grâce à son ami, il rencontre Pablo Picasso, Henri Matisse, Max Jacob, André Derain, Juan Gris et d’autres encore qui l’aideront à développer sa création. Initié au cubisme par Georges Braque, il crée des papiers collés d’une belle qualité comme l’a fait son ami avant lui ; c’était alors une nouveauté. Il exécute également des sculptures en bois, tôle, pierre polychromée avec la Femme pour thème mais il sait, comme Braque, éviter les excès du cubisme qu’il pratique jusqu’en 1920.
Durant cette période Georges Braque dont la part est grande dans l’avènement du cubisme que l’on attribue trop souvent au seul Pablo Picasso, réalise des natures mortes au bel équilibre ; loin de la virtuosité, il organise la décantation de la forme d’où va naître une autre image. Il analyse les êtres et les objets sans les détruire. Parti à la guerre, il revient en 1917 après avoir été gravement blessé et reprend la peinture, des natures mortes en particulier en un cubisme synthétique : Compotier avec grappes de raisin. « Je ne suis pas un peintre révolutionnaire, je ne cherche pas l’exaltation, la ferveur me suffit », dit-il et son œuvre en atteste.
Durant les années 1920, il développe les libertés acquises avec le cubisme ; liberté des formes et retour à l’esprit classique : Canéphore, toile de 1922, illustre cette nouvelle recherche où il témoigne de son invention plastique. De son côté, Henri Laurens s’est lui aussi évadé du cubisme, il a composé les décors des ballets russes de Diaghilev, puis met fin peu à peu aux formes géométriques, la courbe fait son apparition, ainsi Cariatide assise où les volumes acquièrent une certaine plénitude. On découvre l’exigence du sculpteur comme celle de Braque d’ailleurs, son œuvre est empreinte de sérénité, ainsi la sculpture Nu couché à la draperie révèle un épanouissement des volumes d’une grande densité. Nul doute que les deux artistes échangent leurs idées. Georges Braque qui a gardé « la fierté de l’artisan » réalise une peinture fondée sur le jeu des rapports, la ligne s’assouplit.
Survient la guerre de 1940, chez Georges Braque la couleur s’efface quelque peu au profit du noir, du gris, des bruns ; ce sont des scènes d’intérieur souvent chargées où dominent courbes et ondulations dans La toilette devant la fenêtre. La tristesse se lit à cette époque dans les œuvres d’Henri Laurens ; les figures sont ramassées sur elles-mêmes comme pour se protéger, on y décèle une robustesse de l’architecture.
Après la guerre, Georges Braque compose des toiles nouvelles où l’on perçoit son goût pour la matérialité de la peinture ; c’est la série des Ateliers puis vient le thème de l’oiseau, poétique ; une quête d’un espace nouveau. Henri Laurens revisite les thèmes des années 1930 avec pour sujet exclusif la Femme : baigneuses, naïades, ondines, prétextes à des variations. Courbes sensuelles et poésie habitent ces créations, toujours dans une vraie liberté.
Ces artistes par leurs audaces, leur exigence, leur amitié possèdent une place importante dans l’histoire de l’art de la première moitié du XXe siècle.