Paris (75)

Giovanni Bellini enfin en France

Publié le 08/06/2023

Musée Jacquemart-André

On a eu du mal à le croire mais c’est ainsi : jamais Giovanni Bellini n’avait eu droit à une exposition en France ! Le mystère est d’autant plus épais au vu de son talent et de son importance dans l’histoire de l’art. On se souvient qu’en 1516, Marino Sanudo disait de lui : « Tout vieux qu’il était, il peignait mieux que quiconque ». Reconnu par ses pairs, puis par la critique, ce maître de l’École vénitienne, qui inventa l’art du colorito, n’avait pas encore eu chez nous les honneurs d’une exposition autour de son œuvre. L’injustice est aujourd’hui réparée, grâce au Musée Jacquemart-André et ses commissaires.

Bellini, une histoire de famille. Fils illégitime de Jacopo, frère de Gentile et père d’un autre Jacopo, Giovanni Bellini travaille dans l’atelier paternel et en famille. L’exposition présente plusieurs tableaux de la famille Bellini, dont celui peint avec Gentile, Annonciation, vers 1453, ainsi que La Vierge d’Humilité adorée par un prince de la maison d’Este de Jacopo père, ou la Vierge à l’Enfant de Gentile. Une manière de tracer les liens artistiques, mais aussi les différences de style et de techniques entre les membres de la famille, parfaitement expliquées par les commentaires. Et quand on sait que la sœur de Giovanni, Nicolosia, se marie avec un certain Mantegna, l’on se dit que la peinture est vraiment une sacrée affaire de famille. Dailleurs, le musée n’exclut pas que certains tableaux commandés à Mantegna aient pu être sous traités par Bellini. Andrea Mantegna, avec sa magnifique Vierge à l’enfant entre Saint Jerome et Saint Louis de Toulouse se retrouve donc naturellement sur les cimaises.

Bellini, une histoire d’influences. Comment se nourrir d’influences tout en trouvant sa voie personnelle ? Ce pourrait être la grande question au sujet de Bellini, qui s’est ouvert à divers champs. Sainte Justine Borromée pourrait être une forme de réponse. Bellini, influencé par Mantegna et Donatello, sera aussi perméable aux icônes byzantines et à l’« art du Nord » des flamands, notamment à travers la peinture d’Antonello di Messine. L’exposition permet de comprendre et d’analyser cet itinéraire de l’artiste à la recherche de son style, ne s’interdisant aucune admiration. Bellini n’a pas été qu’une talentueuse éponge artistique, mais a transformé le travail de ses modèles pour arriver à sa propre signature. Berenson décrit, par exemple, la Sainte Justine comme « un des plus complets chefs-d’œuvre de l’art italien du Quattrocento ». Le plaisir du visiteur et la réussite de l’exposition proviennent ainsi de la présentation d’œuvres non seulement de Bellini, mais de tous ces autres qui ont compté pour lui. Une superbe balade dans l’histoire de l’art de cette époque, qui se ferme dans la dernière salle sur une époustouflante et lumineuse Dérision de Noé.

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