Greuze se regarde

Publié le 19/05/2023

Cet autoportrait de Jean-Baptiste Greuze, réalisé vers 1760, a été adjugé 166 400 €

Ader

Vers 1759, Friedrich Melchior Grimm (1723-1807), alors rédacteur en chef de la Correspondance littéraire, demanda à son ami Denis Diderot (1713-1784) de se rendre au Salon carré du Louvre, afin de lui donner un compte-rendu critique des œuvres exposées. Ce fut le début d’une longue série d’écrits sur l’art : les Salons. Contemplant les tableaux de Jean-Baptiste Greuze (1735-1805), l’auteur de L’Encyclopédie vit en lui « le fer de lance du renouveau de la peinture française. » Il appréciait en effet ses « scènes pathétiques et moralisantes ». L’Accordée de Village (92 × 117 cm), présentée au Salon de 1761, reçut un accueil unanimement élogieux de la part des critiques et notamment de Diderot. Ce tableau a ainsi, selon les frères Goncourt, décidé de la vocation de Greuze, qui devint ainsi « le peintre de la Vertu » ! Il avait cependant l’ambition d’être peintre d’histoire, et se tourna vers les modèles littéraires du villageois vertueux, du père exemplaire ou de la jeune fille rêveuse, qui constituèrent ses principales sources d’inspiration.

Quelle pensée se dissimulait-elle derrière les traits de Jean-Baptiste Greuze ? Le peintre, comme beaucoup d’autres, notamment Rembrandt, n’a cessé de se représenter. Parmi les nombreux autoportaits qu’on lui doit, le dernier, conservé au Phoenix Art Museum, réalisé en 1804, un an avant son décès, le présente âgé de soixante-neuf ans, vêtu d’un habit d’intérieur, tenant un crayon à la hauteur de sa cravate, la pointe dirigée vers l’extérieur, une posture similaire à celle du tableau conservé à l’Ermitage. Un autre autoportrait, que le cabinet Turquin situe au cours des années 1760, le montre dans « une pose d’une grande simplicité, le buste de profil et le regard tourné vers le spectateur, vêtu d’une veste bleue sous laquelle on devine une chemise blanche et un jabot de dentelle, un « négligé » qu’adoptent la plupart des artistes dans leur représentation ». Celui-ci (61,3 x 50,1 cm) a été adjugé 166 400 €, le 25 avril 2023, par la maison Ader (David Nordmann, Xavier Dominique), assistée par le cabinet Turquin. Commentant la technique du tableau, ce dernier indique que « la gamme chromatique entre gris et bleu des vêtements et du fond, les cheveux poudrés, rehaussent la luminosité du visage et soulignent l’expression qui se dégage du regard vif que nous porte le modèle. La touche est légèrement plus libre, plus en pâte au niveau du front, là aussi pour accrocher la lumière ».

La base de données de la Gazette de l’Hôtel Drouot enregistre plus de 900 œuvres de Greuze, dessins, gravures et peintures, avec en réalité une large majorité de suiveurs, de copies qualifiées « dans le goût de… », rangées dans « École française du XVIIIe ». Le catalogue L’Œuvre de J.-B. Greuze, catalogue raisonné, suivi de la liste des gravures exécutées d’après ses ouvrages par Jean Martin (1839-1919) alors conservateur du musée Greuze à Tournus, publié en 1908, répertorie, quant à lui, plus de 1 800 œuvres.

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