Harry Potter ou la gloire perdue
Gallimard
Notre société est toujours à la recherche de nouvelles figures de héros modernes, de personnages qui sauraient transcender leur quotidien pour devenir des héros d’un jour…
Que cela soit dans la littérature ou le cinéma, nous sommes à la recherche de ces « role models », femmes ou hommes. Des personnalités au destin incroyable et qui pourraient nous ressembler. David Foenkinos est de ces auteurs qui, justement, aiment raconter des destins d’hommes ou de femmes remarquables. S’approprier un « caractère » et en faire un héros, un héros de roman, voilà une tâche qui n’est pas simple. Alors pourquoi ne pas relever un défi un peu fou, prendre une des figures le plus mythiques de ces vingt dernières années et en faire le sujet de son nouveau roman… mais d’une façon détournée… pour que l’entreprise soit encore plus corsée !
David Foenkinos brosse donc le portrait du « numéro deux », de celui qui aurait pu être le héros de notre enfance ou de celle de nos enfants, l’acteur qui joue Harry Potter, dans la saga cinématographique, mais qui n’est pas Daniel Radcliffe ! En effet, il raconte l’histoire de Martin Hill, celui qui ne fut pas Harry Potter…
Quelle drôle d’idée ; que peut-on raconter d’un échec ?
Tant et tant… Justement, dans une société qui valorise la réussite et la première place, que reste-t-il aux perdants, aux losers ? Si on arrive second, est-on pour autant un perdant ? Oui, à en croire Martin Hill, personnage de ce dernier roman de David Foenkinos, Numéro Deux, paru aux éditions Gallimard.
Est-ce que le numéro deux a, à terme, vocation à devenir numéro un ? Peut-on se relever d’un échec, quand, à 10 ans, on croit que l’on va interpréter le personnage le plus fantastique de ces dernières décennies et que ce rôle ne vous est finalement pas dévolu ?
Comment vivre en n’étant pas Harry Potter… mais seulement celui qui a failli l’être ?
Pour tout enfant, ou acteur amateur, cet échec ne pourrait être qu’un épiphénomène… Il faudrait passer à autre chose. Quand on fait des castings ou que l’on pratique un sport, l’échec est une option. Pour cela, il ne faut peut-être pas être hypersensible comme l’est notre personnage… Pour Martin, sa vie va s’en trouver à jamais bouleversée, tout tournera désormais autour de la malédiction de Harry Potter ; et vivre dans une société où ce magicien fait régulièrement parler de lui peut vite devenir un enfer, comme un mauvais sort.
Ce roman raconte comment nos échecs nous façonnent, plus que nos réussites ; comment un enfant ordinaire peut vivre dans un monde ultra médiatisé qui lui rappelle sans cesse cet échec.
Passez votre chemin si vous aimez les histoires de résilience et découvrir le récit d’une personne ordinaire qui transcende sa condition pour devenir la meilleure version d’elle-même. Ici, c’est tout l’inverse : point de bel acteur, connu, richissime et reconnu, mais un adolescent puis un adulte que le monde effraye… C’est terrifiant… La chute semble inéluctable !
David Foenkinos a décidé de s’intéresser à cette deuxième place, lui qui avouait gentiment ne pas pouvoir être numéro un alors que Michel Houellebecq sort un livre concomitamment au sien. Humour d’écrivains…
Ce récit mené tambour battant nous replonge dans l’histoire véridique du casting du film, puis vole de ses propres ailes pour nous conter les hasards de la vie d’un enfant, d’un adolescent et enfin d’un jeune homme dont la résurrection ne viendra que par sa rencontre, enfin, avec Harry Potter… Qu’ont-ils bien pu se dire ? Pour cela, il faut lire Numéro Deux…
• Numéro Deux, David Foenkinos, Gallimard, 19,50 €, 238 p.
Référence : AJU004n4