Hodler, Monet, Munch : peindre l’impossible

Publié le 06/10/2016

Claude Monet, La Barque, 1887, h/t, 146 x 133 cm, Paris, Musée Marmottan Monet.

The bridgeman Art Library

« Peindre l’impossible », c’est ce qui réunit Ferdinand Hodler (1853-1918), Claude Monet (1840-1926) et Edvard Munch (1863-1944). Dans leurs démarches personnelles, ces artistes ont cherché à rendre au plus près cet indicible qui perce sous les éléments. Originaires de pays différents autant que de générations, le Suisse Ferdinand Hodler, le Français Claude Monet et Edvard Munch le Norvégien ne se connaissaient pas, mais chacun aspirait à une autre conception de l’art, c’est là leur point commun. Leurs autoportraits ouvrent l’exposition du Musée Marmottan Monet et révèlent leur écriture personnelle. Admirateurs de la nature, ils ont voyagé en Europe, cherchant la vérité du rendu des effets de neige, de lumière, de mouvements de l’eau, recherches qui ont contribué au développement de l’art moderne.

Le parcours s’articule autour des différents thèmes, souvent des séries, afin d’affiner leur perception. L’art de Munch apparaît paisible à ses débuts ; lors d’un séjour à Paris, en 1885, il découvre l’impressionnisme : La Seine à Saint-Cloud, réalisée en petits accents vifs sous la lumière, en témoigne, il s’agit d’une œuvre toute en nuances. Grâce à une bourse, il y revient quatre ans plus tard et s’imprègne de plusieurs influences qui lui permettent d’évoluer tout en conservant sa personnalité. Ferdinand Hodler compose des paysages vigoureux et, en cette fin de XIXe siècle, Claude Monet s’intéresse aux effets du soleil sur des collines flamboyantes. Chacun suit son chemin afin de demeurer au plus près des secrets de la nature.

Trois thèmes les réunissent : la montagne, la neige, l’eau. Les Alpes ont fasciné Hodler qui les a peintes maintes fois, en une facture incisive parfois, et se reflétant dans l’eau des lacs. Monet en a traduit l’aspect minéral en gros plan, suggérant leur puissance, ou les évoque sous une neige diluant les contours. Avec Soleil, Munch révèle l’intense illumination rayonnant sur des massifs bleutés.

L’intérêt de Claude Monet pour l’eau, la nature, les plantes est perceptible avec La Barque, elle flotte au milieu des herbages animés sous la pression liquide ; le peintre réinvente la nature. Toute autre, La Femme courageuse, dont la barque est dangereusement bousculée par les vagues, permet à Ferdinand Hodler d’introduire une dimension dramatique en un puissant réalisme.

Percevoir l’imperceptible, tel a été le désir de ces artistes à l’écriture personnelle mais que rapproche une recherche permanente ; ils l’ont parfois trouvé grâce à des jeux de couleurs : le mystère du lac Léman, sa beauté au pied des montagnes qu’Hodler exprime en un dégradé de bleu, vert lumineux. Après la Pluie donne naissance à une composition chaleureuse de Munch, plus tard Nuit étoilée évoque la lumière nocturne avec ses inquiétudes latentes, et Monet fait exploser les rouges dans une composition quasi abstraite.

Chacun dans sa différence a tenté de rendre l’impalpable dans la vérité.

 

LPA 06 Oct. 2016, n° 120w9, p.16

Référence : LPA 06 Oct. 2016, n° 120w9, p.16

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