Idoles, l’art des Cyclades et de l’Anatolie à l’Âge du bronze

Publié le 28/09/2021

Tête de Kéros.

DR

Que sont ces idoles ? Quel peuple les sculpta ? Car ces statuettes, qui se distinguent comme des représentations synthétiques de la figure humaine, sont énigmatiques, insondables, quand nous les rencontrons la première fois, notamment celles nommées « idoles violons ». Mystérieuses, extatiques et lisses, elles furent sculptées dans les marbres de Naxos, Paros et Ios.

Thucydide nous dit : « Parmi les plus actifs pirates se trouvaient les habitants des îles, notamment les Cariens et les Phéniciens qui s’étaient installés dans la majeure partie de l’archipel. En voici la preuve : lorsque, au cours de la Guerre du Péloponnèse, les Athéniens purifièrent Délos, ils débarrassèrent l’île des tombeaux qui s’y trouvaient et il apparut que plus de la moitié d’entre eux étaient des tombes cariennes. On s’en aperçut en observant l’équipement guerrier enseveli avec les corps et le mode de sépulture, qui est encore celui des Cariens d’aujourd’hui ».

Les statuettes cycladiques et anatoliennes furent découvertes au début du XIXe siècle. Celles des îles des Cyclades se trouvaient uniquement dans certaines tombes, aux côtés de poteries aux formes pansues et aux motifs de spirales, de vases et de gobelets à oreillettes. Dans un premier temps, elles furent à tort associées à des sociétés primitives, mais ces statuettes en marbre de l’Âge du bronze ne purent être sculptées chez un peuple sans tradition de la représentation de la figure humaine. Elles furent précédées, à la période néolithique (du VIIIe au Ve millénaire avant notre ère), par des figurines féminines aux formes opulentes. Ces figurines stéatopyges eurent une descendance, à l’Âge du bronze, sous la forme de statuettes schématiques beaucoup plus abstraites, « idoles violons », ou celles trouvées sur le site de Beycesultan en Anatolie.

Ces statuettes étaient des éléments de la vie culturelle et religieuse des communautés qui les réalisèrent. Elles avaient des fonctions symboliques : accompagner les morts, participer aux rites de passage, protéger le foyer.

Les mondes cycladiques et anatoliens n’étaient pas des espaces géographiques cloisonnés. Les fouilles archéologiques nous indiquent que des réseaux d’échanges commerciaux et culturels liaient les îles des Cyclades et la péninsule anatolienne. Ce fait est mis en évidence par la recherche de métaux précieux qui était au centre du commerce de ces peuples. Ces échanges existaient aussi dans le domaine de la sculpture, car il y a incontestablement des ressemblances parmi les formes les plus abstraites, par exemple. De même pour les idoles aux bras croisés, représentées dans une posture identique, retrouvées de part et d’autre.

L’exposition révèle aussi l’influence que ces statuettes eurent sur les créations artistiques de la première moitié du XXe siècle, notamment chez Brancusi, Giacometti, Zadkine ou Brassaï. En 2021, deux artistes contemporains, Daniel Arsham et Zhang Yunyao, ont à leur tour proposé leur interprétation de la tête de Kéros.

Dans Study in Two Heads, des effets de superposition et de transparence conduisent le spectateur à ajuster son regard pour repérer les courbes intriquées des deux modèles choisis par Zhang Yunyao : la tête de Kéros et une sculpture de Brancusi, Mademoiselle Pogany.

Cette exposition exceptionnelle du musée Fenaille a été mise en place avec le musée du Louvre, qui a déplacé près de 65 pièces. D’autres musées français, allemands, suisses et belges ont participé à ce projet avec une trentaine de pièces.

Plan