Ingres (1780-1871), l’artiste des princes
Jean-Auguste-Dominique Ingres (Montauban, 1780 – Paris, 1867) Autoportrait d’Ingres à vingt-quatre ans, 1804 (Salon de 1806)
Chantilly, musée Condé
Grand admirateur de l’Antiquité classique et du peintre Raphaël, Jean-Auguste-Dominique Ingres fut l’élève du chef néoclassique Jacques-Louis David. Étant cependant éloigné de la conception artistique de son maître, Ingres demeure comme un peintre de grand talent même s’il fut souvent décrié de son vivant.
L’exposition du musée Condé au château de Chantilly souhaite faire revivre l’œuvre de cet artiste dans sa diversité. Grand portraitiste, en particulier de la famille d’Orléans, il s’est beaucoup inspiré de thèmes mythologiques, domaine dans lequel il excelle singulièrement. Sans cesse à la recherche du « beau idéal » ses tableaux sont imprégnés d’inspirations tirées de la Renaissance italienne ; ils sont aussi souvent précédés de dessins préparatoires très élaborés. Pour lui, le dessin n’est-il pas « la probité de l’art » ?
L’artiste réalise en 1804 un autoportrait où il se présente de trois-quarts, tourné vers le spectateur, semblant l’interroger. Détenant un caractère authentique, tous ses portraits futurs traduiront le caractère du modèle initial et le regard se révélera souvent intense.
Suite à l’obtention du Grand Prix de Rome en 1801, Ingres intègre l’Académie de France à Rome en 1806. Durant les cinq ans qui le séparent de son arrivée à la Villa Médicis, il exécute à Paris, de nombreux portraits de la haute société tel que « Mademoiselle Rivière », toute de grâce et sa douceur », toute de grâce dans la douceur des courbes du corps, la pureté de l’ovale du visage, la beauté simple de la robe blanche ponctuée de l’ocre clair des longs gants. Un autre portrait attire également l’attention, celui de Madame Duvaucey (1907). Ici encore, l’arabesque est reine et sa jeune maîtresse napolitaine, « La Joconde d’Ingres », apparaît d’une rare douceur et d’une harmonie sans précédent.
À Rome, le peintre continue à réaliser des portraits dans lesquels il atteint au plus près de l’idéal nourri par ses découvertes de l’Antique et plus encore de Raphaël, tel qu’en témoigne « La Grande Odalisque ». Souvent critiqué, on lui reproche quelques déformations ponctuelles et voulues de l’anatomie. Nous ne pouvons cependant pas nier la perfection technique de l’œuvre.
Entre 1830 et 1840 Ingres entretient des liens privilégiés avec le Duc Ferdinand d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippe qui sera son mécène : il acquiert trois pièces majeures. Parmi elles, nous retrouvons « Œdipe et le Sphinx » mettant en avant le superbe modelé du corps masculin, ainsi que « Stratonice » où l’on voit sa maîtrise des drapés. Pour la première fois, ces œuvres se trouvent réunies et présentes dans l’exposition.
Nommé Directeur de la Villa Médicis, il s’installe à Rome entre 1835 et 1841. Suite à son séjour, il retourne à Paris et exécute, entre autres, la belle « Vénus Anadyomène ». Hymne à la jeunesse, ce tableau commencé en 1807-1808 met en lumière une femme nue à la courbe gracieuse dont le corps révèle sa perfection sous la lumière.
Après le décès accidentel de Ferdinand d’Orléans, à 32 ans, Ingres réalise son portrait dans lequel il a fière allure ; il réalise également des cartons pour les vitraux de la chapelle Saint-Ferdinand construite un an après le décès du Duc. Suite à cela le couple royal lui commande un tableau pour la chapelle du château de Bizy où se trouve le tombeau de la famille d’Orléans.
Jusqu’à la fin de sa vie Ingres réalise des portraits d’une rare perfection ainsi que des œuvres telles que « La Source » et « Le Bain Turc » dans lesquelles apparaissent la volupté des corps et toujours cette quête de perfection. Les 40 tableaux, dessins et études sont les témoins d’un art classique parfois visionnaire faisant de Jean-Dominique Ingres un artiste singulier échappant à toute classification. Ses couleurs, harmonies sourdes parfois rompues de notes éclatantes autant que la recherche de l’arabesque font de lui un peintre singulier et remarquable.
Référence : AJU009v1