La Belle et la Bête, un conte féérique

Publié le 08/06/2022

La Belle et la Bête, un conte féérique

Cet exemplaire de La Belle et la Bête : Journal d’un film (1946), orné de 24 planches hors-texte en héliogravure, un des 10 sur papier de couleur réservé à l’auteur, relié en peau de buffle par Georges Leroux, a été adjugé 5 308 €

Binoche & Giquello

Le film La Belle et la Bête, diffusé en 1946, a marqué les esprits autant par la performance de Jean Marais que par la mise en scène de Jean Cocteau. Comme le souligne Jean Serroy dans Les 100 films culte de l’histoire du cinéma aux éditions Glénat, Cocteau « s’approprie [ce conte] pour le faire passer dans son propre univers ». À ce propos, le poète-cinéaste a raconté lors de ses entretiens avec André Fraigneau, diffusées en 1951 sur Radio France, une anecdote survenue avec Christian Bérard, à qui il avait confié les décors et les costumes. Cocteau lui avait montré son exemplaire, dans lequel il s’était appuyé pour écrire le scénario. Celui-ci était dans la Bibliothèque rose, peut-être l’édition de 1875 illustrée par Charles-Albert Bertall. Christian Bérard s’était alors exclamé : « Mais ça c’est le texte pour les enfants, il faut aller lire le véritable texte à la Bibliothèque nationale ». Et Jean Cocteau de poursuivre : « Je courus à la Bibliothèque nationale et le texte était celui de la Bibliothèque rose ! Bérard avait, depuis son enfance, fabriqué tout un conte de La Belle et la Bête et il y croyait » !

On peut imaginer qu’à la Bibliothèque nationale, on remit à Cocteau un exemplaire de l’édition originale du Magasin des enfants, dans le premier tome duquel avait était publié cette histoire fantastique. Cette dernière a connu d’innombrables rééditions dans différentes collections, dont celle de la Bibliothèque rose, sous le titre générique choisi en 1774 par l’autrice Madame Leprince de Beaumont (1711-1776) : Contes Moraux. On peut y ajouter sous la signature de Jean Cocteau : La Belle et la Bête : Journal d’un film, orné de 24 planches hors-texte en héliogravure. Un exemplaire, un des 10 numérotés sur papier de couleur réservé à l’auteur, relié en peau de buffle par Georges Leroux, a été adjugé 5 308 €, à Drouot, le 13 mai dernier par la maison Binoche & Giquello, assistée par Jean-François Fourcade, lors de la dispersion de la collection André S. Labarthe.

L’auteur note par exemple, à la page 192 : « Mardi 11, 9 h du soir : deux jours de tohu-bohu parce que je changeais de décor et que passer d’un décor à l’autre représente un travail de matériel et de projecteurs dont le spectacle consterne comme un cataclysme ». Nous pouvons comprendre le cinéaste : les décors étaient luxuriants, avec non seulement des brocards, des vases miroirs « parlant », des bras qui sortent de murs afin de porter des candélabres, bref toute une machinerie merveilleuse… Il fallait trois heures pour maquiller chaque matin Jean Marais. On assure que Cocteau inventa, au cours de ce tournage, le travelling, car il fit monter la Belle sur une planche munie de roulettes. La tirant vers la caméra, il lui donna un mouvement féerique. N’est-ce pas le propre d’un conte ?

• Binoche & Giquello, 5 rue La Boétie, 75008 Paris

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