La bibliothèque de Sainte-Hélène

Publié le 06/10/2021

Passés Composés

Dans la série de la Napoléonmania, les livres sont une aubaine pour les bibliophiles. Napoléon lisait, lisait et surtout retenait tout. Il était davantage « bibliophage » que bibliophile. On rapporte qu’il jetait par la fenêtre de sa voiture, les volumes dont la lecture l’agaçait. À Antoine-Alexandre Barbier (1765-1825), son bibliothécaire particulier à partir de 1807, il demandait de faire rogner au maximum ses livres de lecture pour économiser la place, et il composait lui-même les bibliothèques volantes emportées dans les campagnes. Il convient de distinguer ces « livres de lecture » et ceux constituant officiellement sa bibliothèque personnelle, l’un n’empêchant pas l’autre. Après sa chute et son internement sur l’île de Sainte-Hélène, Napoléon se trouva dans l’impossibilité de composer une nouvelle bibliothèque telle qu’il l’envisageait.

Jacques Jourquin, qui fut durant de longues années le président des éditions Tallandier et est aujourd’hui le vice-président de l’Institut Napoléon, s’est penché sur la Dernière passion de Napoléon, la bibliothèque de Sainte-Hélène (Passés Composés, 24 €, 332 p.). L’empereur « ressentit douloureusement l’absence physique d’une bibliothèque étendue, contenant à la fois tous les ouvrages aimés au cours de sa vie de liseur et les nouvelles parutions… », note l’auteur de cet essai qui rappelle la note qu’il adressa Hudson Lowe, le 15 juillet 1816 : « J’ai 1 800 volumes. Ce n’est pas là une bibliothèque pour un homme de ma position. Il me faut 60 000 volumes et les ressources d’une grande ville ». Ces ressources et ces volumes ne lui furent, on s’en doute, jamais octroyés. Au 5 mai 1821, la bibliothèque se montait à un nombre compris entre 3 370 et 3583 volumes, conclut Jacques Jourquin, après une véritable enquête. Celle-ci repose sur Louis-Étienne Saint-Denis (1788-1856), dit le Mamelouk Ali, fidèle entre les fidèles qui tint le rôle de bibliothécaire. Ce dernier rédigea trois catalogues, dont le contenu fut analysé, recoupé et détaillé entre les volumes apportés de France, achetés à Sainte-Hélène et envoyés par le ministère anglais.

Il appartient à Jacques Jourquin d’avoir, cette fois, établi le catalogue général de la bibliothèque de Sainte-Hélène. Les provenances comme les livres annotés y sont répertoriés, y compris les volumes légués au Roi de Rome, notamment, perdus, donnés ou vendus, marqués ou non du timbre humide aux armes de Napoléon. Aujourd’hui, on connaît 44 titres soit 191 volumes sont conservés dans les collections publiques et 71 titres pour 243 volumes dans les collections privées. Une localisation très faible. Aux bibliophiles de les retrouver dans cent lieux divers et de sentir l’émotion de feuilleter leurs pages après l’empereur.

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