La Charité chez la famille Chevalier
Cette tapisserie Mille-fleurs ornée de l’Allégorie de la Charité, tissée sans doute à Bruxelles (premier tiers du XVIe siècle) est estimée 120 000/ 200 000 €
Giquello
Dans le milieu du marché de l’art, si l’on entend le nom « Chevalier », on songe immédiatement à « tapisserie ». Les Chevalier « nés » dans les années vingt, qui ont, durant 40 ans, œuvré dans leur galerie du quai Voltaire, sont désormais installés rue de Bourgogne. La quatrième génération est représentée par leurs filles. Leurs parents, Dominique Chevalier et Nicole de Pazzis-Chevalier, ont décidé de se séparer d’une partie de leur collection, qui sera dispersée à Drouot, le 10 octobre 2023 par la maison Giquello, assistée par Violette Stcherbatcheff. Le catalogue comporte une centaine de lots comprenant des tapisseries des Flandres et des Manufactures françaises du XVIe au XVIIIe siècles, mais également des tapis européens, orientaux et des textiles archéologiques. Cet ensemble historique évoquant bestiaires fabuleux, scènes mythologiques, religieuses ou rêveries exotiques, est estimé entre 800 000 et 1,20 million d’euros.
Il semblerait que l’usage des tapisseries se propagea dans les demeures privées après le retour des croisades, pour atteindre son apogée aux XIIIe et XIVe siècles. Ces tentures n’avaient pas seulement une fonction ornementale, elles habillaient les murs de pierre et protégeaient des rigueurs climatiques. Les fameuses tapisseries de Flandres prirent leur essor aux XVe et XVIe siècles. Henri IV fit venir de Flandre 200 ouvriers tapissiers. Louis XIII affecta à une nouvelle fabrique de tapisseries la maison de la Savonnerie. Louis XIV, enfin, préconisa la réorganisation des anciennes fabriques à Felletin et à Aubusson, ainsi que la création de la fabrique de Beauvais (1664) puis celle des Gobelins (1667), dont la réputation n’est plus à faire.
Nous avons retenu l’une des plus gracieuses tapisseries : une Mille-fleurs ornée de l’Allégorie de la Charité, tissée sans doute à Bruxelles et datant du premier tiers du XVIe siècle, estimée 120 000/200 000 €. Sur un fond bleu nuit orné de fleurs dont les motifs ne sont pas, pour une fois, répétitifs, mais tous différents, se détache une délicate figure féminine tenant un enfant sur ses genoux, tandis qu’un autre tente d’accéder à la même place. « Ce décor de mille fleurs, dont on doit pouvoir identifier les espèces, est certainement, pour les spécialistes en botanique et en symbolique, un champ d’investigation passionnant », assure l’expert. La représentation de la Charité, généralement une jeune femme accompagnée d’enfants, se rencontre souvent à la Renaissance. Un autre attribut de la Charité est la corne d’abondance qu’elle tient de la main droite et d’où s’échappent des fruits. « Cette tapisserie faisait probablement partie d’un programme iconographique représentant les trois vertus théologales (La Foi, l’Espérance et la Charité) », explique encore l’expert. Une bordure à motifs de fruits, de fleurs au naturel, de coupes et de grotesques, très en vogue au XVIe siècle, entoure enfin la composition centrale, lui assurant un éclat particulier.
Giquello, 5 Rue La Boétie, 75008 Paris
Référence : AJU010i2