Yvelines (78)

La dentelle, le meilleur attribut

Publié le 09/05/2023

Col dentelle Manufacture d’Alençon, quatrième quart du XVIIe siècle, premier quart du XVIIIe siècle, dentelle à l’aiguille, lin Versailles, collection particulière

Thierry Malty – Anne Camilli & Cie

Un col en gros point de Venise, aiguille, daté du troisième quart du XVIIe siècle, a été adjugé 515 € à Drouot le 4 avril 2023 par la maison Coutau Bégarie, assistée par Claude Vuille. Cette pièce est à décor de grandes fleurs exotiques et feuillage à brodes en relief et ornés de points variés… Cette dentelle ornait-elle un vêtement masculin ou féminin ? À l’époque, surtout à Versailles, le roi et les courtisans faisaient une grande consommation de dentelles. Molière, dans Les Précieuses ridicules, se moque de cette vogue en faisant apparaître sur scène les valets de La Grange et de Du Croisy, éconduits par « deux pecques provinciales », Magdelon et Cathos. Mascarille et Jodelet se faisant passer l’un pour un marquis, et l’autre pour un vicomte, séduisent les deux jeunes filles grâce à leurs compliments extravagants, leurs dentelles et leurs rubans cousus sur leurs habits. N’allons pas plus loin, les portraits de Louis XIV nagent dans les dentelles.

La dentelle, cet accessoire de la mode tant masculine que féminine, serait apparue au XVIe siècle à Venise sur l’île de Burano. Elle était un produit de luxe qui ornait les cols, les manches et les vêtements ; plus il y en avait, plus l’élégant montrait l’étendue de sa fortune et son rang social. Sur l’île de Burano, les brodeuses vénitiennes avaient inventé un procédé tout de légèreté en brodant sur des fils et non sur des tissus. Au milieu du XVIIe siècle, c’était le point de Venise ou « point en l’air » (le punto di aria) qui était à la mode. L’exposition consacrée à l’art de s’apprêter à la cour, qui se tient actuellement au Musée du domaine royal de Marly, présente notamment des cols en dentelles à l’aiguille provenant de la Manufacture d’Alençon et datés du quatrième quart du XVIIe siècle et du premier du XVIIe siècle. À Alençon, comment cela se fait-il ? Les dentellières vénitiennes étaient, si l’on peut dire, assignées à résidence afin de conserver le secret de leur savoir-faire. Jean-Baptiste Colbert envoya ses espions afin de séduire les dentellières de Burano, et les inviter à venir travailler en France. On ignore comment, mais vers les années 1660, une certaine Marthe La Perrière ayant pris connaissance du point de Venise, s’en inspira et produisit des travaux d’aiguille : le point d’Alençon. Fort du succès de cette nouvelle production, Louis XIV créa alors la Manufacture royale des dentelles françaises et fit interdire l’importation de celles de Burano puisqu’elles étaient alors réalisées dans le royaume.

Les Flamands, de leur côté, produisaient également des dentelles, appelées improprement « point d’Angleterre » parce que leur importation s’était longtemps faite par ce pays. Celles de Bruxelles étaient les plus renommées. Une parure de tête, fuseaux, aux motifs en miroir aux bouquets, et compositions de fleurs stylisées a été vendue 1 546 €, toujours à Drouot, le 4 avril 2023 par la maison Coutau Bégarie, assistée encore par Claude Vuille.

« Femme et dentelle sont plus belles à la chandelle », dit un proverbe occitan.

Musée du domaine royal de Marly, 1 Grille Royale, Parc de Marly, 78160 Marly-le-Roy

Plus d’informations sur https://musee-domaine-marly.fr/

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