La grâce de Léon Bonvin

Publié le 31/10/2022

Léon Bonvin, Nature morte à la grenade (1864, plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique, 24,5 x 18,7 cm), Baltimore

The Walters Art Museum

À Vaugirard, qui n’était encore qu’un village périphérique de Paris, au milieu du XIXe siècle, se dressait une auberge à l’écart du chemin qui faisait face à la plaine de Vaugirard. « Une haie vive formait l’enclos. Avec cela quelques arbres, quelques fleurs, un puits, une tonnelle, un jeu de tonneau. Sur le pignon frais blanchi, se détachait en grosses lettres noires le nom du propriétaire : Bonvin. Il n’avait rien voulu de plus, et répétait en riant le vieux proverbe : « À bon vin pas d’enseigne » ». C’est ainsi que la décrivait un article paru dans Le Monde Illustré du 31 juillet 1866.

Les Bonvin avaient deux fils. « Le premier, maître peintre, s’était déjà fait un nom estimé. Le second était aussi un artiste, mais personne ne s’en doutait, pas même lui. Il s’essayait en cachette du père qui, brouillé avec l’aîné, détenait la peinture », écrivait encore le rédacteur du Monde Illustré.

Ce second, prénommé Léon (1934-1866), ne fut pas connu de son vivant et « ne fit rien pour l’être, il ne tenta jamais d’exposer au Salon », précisent les biographies. Après sa mort, une vente publique de ses œuvres permit enfin de faire connaître son œuvre, ses dessins et aquarelles.

Aujourd’hui, la fondation Custodia lui rend hommage en organisant une exposition, comprenant une cinquantaine de ces œuvres-là. Ce qui constitue un tiers de sa production, car il n’a laissé que 147 œuvres.

On ne connaît pas de dessin de Léon Bonvin ; ses premières œuvres furent, en revanche, exécutées à la pierre noire et estompe. Une Femme à l’ouvrage près d’une fenêtre (12,2 x 11 cm), datée de 1855, a été adjugée 32 000 €, à Drouot, le 20 mars 2018 par Daguerre Auction. Cette œuvre est similaire en technique à plusieurs dessins des années 1850 de l’artiste, conservés au musée du Louvre, dit-on. Ce qu’explique Ger Luijten, le directeur de la fondation : « Par des contrastes puissants, des ombres denses, de faibles lueurs, ou des contre-jours tranchés, l’artiste nous convie dans l’intimité de l’auberge avec son décor simple et rustique ».

Encouragé par son demi-frère François (1817-1887), Léon introduisit peu à peu la couleur dans ses feuilles, privilégiant l’encre et l’aquarelle. La cuisinière au tablier rouge (1862, 208 x 162 mm), conservée au Walters Art Museum de Baltimore, dont on sent l’influence des maîtres flamands, offre un contraste saisissant avec les premières œuvres. Les natures mortes suivent cette influence flamande avec plus de vigueur et de couleurs, comme dans une Nature morte à la grenade (245 x 187 mm, 1864). Mais l’enchantement transparaît dans les bouquets. Deux aquarelles, représentant chacune un Bouquet de pensées dans un verre, ont respectivement été vendues 40 000 € et 34 000 € à Drouot, le 27 mars 2007 par la maison Millon. C’est sans doute le Bouton de rose devant un paysage (1863, 246 x 186 mm), qui l’emporte dans la grâce et l’élégance. Incompris, dépourvu de revenus, Léon Bonvin mit fin à ses jours en janvier 1866.

Fondation Custodia, 121 rue de Lille, 75007 Paris

Jusqu’au 8 janvier 2023

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