La locomotive de Beyrouth

Publié le 28/06/2021

La locomotive de Beyrouth

Dans la gare de Beyrouth, une locomotive criblée de balles sous la renaissance de la nature ; un des 7 exemplaires de cette photographie a été adjugé 937 €.

L’hôtel Drouot pourrait être une gare ferroviaire. Le nombre de trains qui transite par lui, passant sous les coups de marteau, rivalise peut-être avec l’un des grands centres de triage de la capitale. Le plus grand nombre des convois sur rails, est, on s’en doute, miniaturisé. On imagine difficilement une authentique locomotive s’engager dans la rue Drouot puis s’immobiliser devant la porte du hall de l’hôtel des ventes. Nous pourrions le croire en contemplant le cliché pris en 1938 par Willy Ronis (1910 – 2009) : « Locomotive, Gare du Nord, 1938 ». Une épreuve argentique a été récemment vendue 1 000 $. Cette locomotive fait songer à « la Lison », qui joue le rôle principal avec Jean Gabin dans le film La Bête humaine de Jean Renoir d’après Émile Zola, diffusé en 1938.

La véritable Lison, celle décrite par Zola, était un rapide de classe 021-229 dont les premiers exemplaires ont été construits à partir de 1849 pour la Compagnie de l’Ouest. Le roman date portant de 1890. À cette époque, de grands progrès avaient été faits dans le monde ferroviaire. Aux États-Unis, par exemple, « la Daniel Nason de la Boston & Providence », comme le raconte dans son ouvrage Les Trains du monde, Brian Solomon, est un exemple de locomotion avec les « cylindres dans la boîte à fumée ». Mais sans vapeur, que serait-ce une locomotive ? Que l’on se rassure, cet ouvrage propose une page spectaculaire montrant un panache de vapeur lancé par une ancienne 0-4-4T Forney. Cet album qui offre un large choix d’exemples incluant des trains à vapeur, électriques ou diesels dans le monde, n’évoque les Français qu’avec le TGV lancé dans les années 1980. Le monde des trains a également inspiré des peintres. Dès 1904, André Léveillé (1880-1962) composait un tableau, simplement intitulé : La Locomotive. Ce panneau a été adjugé 4 750 € par Christie’s France, avec une estimation de 1 500/2 000 €. Cet artiste a la particularité d’avoir, organisé et exposé ses œuvres dans le « Train-exposition des Artistes » qui parcourut le Nord de la France dans les années 1935-1936.

Rien de pire que de voir un train, une locomotive abandonnée et rouillée. Le photographe Claude Mollard (né en 1941) a saisi, en 2013, dans la gare de Beyrouth, une locomotive criblée de balles sous la renaissance de la nature. Un des 7 exemplaires de ce cliché, devenu un symbole de régénération pour de nombreux Libanais, a été adjugé 937 €, dans la salle Favart, le 28 mai dernier par la maison Ader, lors de la vente « l’Hommage à Beyrouth ». Le chemin de fer, au Liban, avait été mis en place en 1895 par les Ottomans. Il totalisait 417 km et 45 gares. La guerre civile a eu raison du transport ferroviaire dans les années 1997. Depuis, malgré de nombreuses tentatives de rétablissement, la petite gare de Beyrouth sommeille entre les herbes folles, et les locomotives rouillent.

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