La majesté de la mitre

Publié le 01/02/2023

Cette mitre d’évêque, datée du début du XVIe siècle en Espagne, est estimée 6/8 000 €

Coutau-Bégarie

La mitre du père abbé était si haute qu’elle donnait l’impression de doubler la taille du prélat qui était, il est vrai, assez réduite. Il reste que cette coiffure liturgique lui conférait une majesté certaine. La mitre, un mot qui viendrait du grec ou du farsi désignait notamment une coiffure en usage en Phrygie et chez certains peuples du Moyen Orient. On dit que les dames romaines s’en emparèrent. Comment ce couvre-chef est-il devenu celui des évêques et un ornement liturgique ? Un certain Claude Du Molinet (1620-1697), membre de la congrégation des chanoines réformés de sainte Geneviève, fit quelques recherches et explique dans une Dissertation sur le sujet que les dames romaines se lassèrent de cette coiffure qui, peut-être, les rendaient négligées. « Les femmes qui avaient quelque pudeur n’osèrent plus en porter, de sorte que la mitre devint le partage des libertines », dit le chanoine. Les abbés ne s’en emparèrent pas immédiatement. À l’origine, les évêques portaient un bonnet fermé, enserré par un bandeau circulaire noué derrière la tête et retombant sur les épaules sous la forme de deux bandes, les fanons dont on dit qu’ils symbolisent les deux testaments.

La forme actuelle de la mitre épiscopale est apparue au milieu du XIIe siècle. Les deux faces (ou titres, ou cornes) s’élevèrent au cours des temps de façon parallèle et de plus en plus pointues jusqu’au XVIIIe siècle. Les évêques possédaient trois mitres. La première, l’auriphrygiate, était dorée ou précieuse. À l’instar de celle qui sera mise en vente le 3 février 2023 à Drouot par la maison Coutau-Bégarie, assistée par Raphaël Maraval-Hutin, avec une estimation de 6/8 000 €. Celle-ci (hauteur : 40 cm), datée du début du XVIe siècle en Espagne, est en drap d’or sur une âme de carton, brodée de manière étincelante en guipure de filé et canetille dorés sur cordonnet à décor de frises et montants d’acanthe fleuris ponctués de cabochons de verre colorés en serti clos. Les fanons montrent le même décor, et leurs extrémités sont frangées d’effilé et timbrées d’armoiries malheureusement illisibles : on distingue un chapeau épiscopal accompagné d’une cordelière à six houppes. La doublure de la coiffe est en taffetas cramoisi. Le temps ayant fait son œuvre, quatre cabochons ont disparu et l’on décèle quelques petits accidents.

Une mitre conservée dans le trésor de la Cathédrale d’Oviedo, dans les Asturies, présente de grandes similitudes avec celle que nous venons de décrire. Elle est reproduite en photographie dans un Album Maciet, consacré à la série « Vêtements religieux ». Ces mitres, comme les ornements sacerdotaux, étaient tellement précieuses qu’elles sont toujours conservées dans les trésors des églises ou dans des musées. Même si aujourd’hui les mitres des évêques présentent une plus grande sobriété, quelques-unes, comme celle de feu Benoît XVI, étincellent. Généralement conçues dans des couvents de religieuses, ces mitres prestigieuses sont des présents.

Coutau-Bégarie, 60 avenue de la Bourdonnais, 75007 Paris

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