La montagne fertile

Publié le 20/04/2021

La montagne fertile

Palais Lumière Evian

Certains sites attirent particulièrement, c’est le cas de la région des Grisons, un canton de Suisse dans les Alpes aux magnifiques paysages montagneux. Dans ce site se sont retrouvés plusieurs peintres attirés par Giovanni Giacometti, peintre et père du sculpteur.

Ce lieu grandiose et tranquille ne pouvait qu’inspirer à la fin du XIXe siècle les artistes amoureux de la nature. Giovanni Giacometti débute ses études à Munich. Il y rencontre Cuno Amiet, Suisse comme lui, et ils se lient d’amitié. En 1888, ils vont poursuivre leur formation à Paris, à l’atelier Julian. Giovanni Giacometti fait ensuite découvrir les Grisons à Amiet qui est, à son tour, fasciné par les décors majestueux. Sur place, le peintre Segantini, un artiste italien, de dix ans l’aîné de Giovanni Giacometti et dont il sera le maître, réalise déjà des peintures naturalistes de ces sites. Ainsi se forme un petit groupe d’artistes auxquels se joindra Ferdinand Hodler. Entre eux se créent des échanges tant artistiques que personnels.

La sérénité, la beauté de l’endroit attire également écrivains et cinéastes de différents pays : Freud, Nietszche, Cocteau et Gide, ou encore Thomas Mann, Hermann Hesse ou Rilke, Proust et Chabrol.

Personnage central du groupe, c’est autour de Giovanni Giacometti que se renouvelle l’art helvète, peu connu en dehors de Hodler et de Vallotton, qui va se moderniser et donnera naissance à des artistes tels que Hannes Vogel, Franz Wagner ou Steiner.

Chacun des quatre peintres réunis aux Grisons a donné sa représentation personnelle de ces sites, parfois dans des visions panoramiques. Liés à ces espaces alpins, ils les évoquent dans leur vérité mais sans vraiment se soucier d’une copie fidèle ; ils cherchent à capter l’ensemble, l’atmosphère grandiose, impressionnante qui crée un espace de liberté. Segantini réalise cette région en une technique divisionniste tandis que Giovanni Giacometti, qui fut le principal promoteur de l’impressionnisme en Suisse, s’en détourne. Il en conserve cependant la palette claire, dans une œuvre charpentée ; une vraie spontanéité apparaît dans ses aquarelles où eau et montagne se répondent dans la transparence des couleurs. Cuno Amiet, quant à lui, aime les formes franches ; la montagne est un excellent sujet pour lui ; l’on décèle dans ses œuvres aux tonalités fortes, des accents fauves avant la lettre. Il exprime son admiration pour ces massifs qui dominent lac ou nature sauvage.

Chantre de la montagne, Ferdinand Hodler excelle à en révéler la majesté, la diversité des monts ; il la peint selon sa vision intime. Tantôt elle se pare de tons d’automne, tantôt c’est l’atmosphère glaciale de l’hiver révélée par une ambiance bleutée. On devine la rudesse des roches et une réelle modernité dans la traduction harmonieuse de la masse montagneuse irrégulière. « La mission de l’artiste est d’exprimer l’élément éternel de la nature, de la beauté… d’en dégager l’essentiel », écrivait-il.

Sculpteur reconnaissable entre tous par son talent, Alberto Giacometti était également un excellent dessinateur. Sous l’influence de son père et de Hodler, il a peint quelques paysages des Grisons où les contours des monts sont dessinés avec plus ou moins de force et traduisent son émerveillement.

LPA 20 Avr. 2021, n° 160q1, p.25

Référence : LPA 20 Avr. 2021, n° 160q1, p.25

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