La muse des muses et Man Ray

Publié le 13/03/2023

Ce portrait par Man Ray de Jacqueline Barsotti-Goddard, daté de 1930, est estimé 8 000/12 000 €

Bonhams Cornette de Saint Cyr

André Breton – le pape du surréalisme – disait de Man Ray qu’il avait « la tête d’une lanterne magique » et qu’il était « le poète qui écrit avec la lumière ». Man Ray, de son vrai nom Emmanuel Radnitsky (1890-1976), quitta New York en 1921 à destination de Montparnasse. Il avait rempli ses malles de toiles et d’objets qu’il considérait comme dadaïstes. Sur le boulevard parisien, il comprit très vite que sa connaissance de la photo pouvait apporter une dimension nouvelle aux activités artistiques. Faisant fi de la peinture, et s’écartant de l’énorme masse des barbouilleurs, il se replongea dans la photo avec enthousiasme. Il tira le portrait d’à peu près tous les écrivains anglais et américains de Paris, et autres artistes qu’il admirait. Ne les énumérons pas, cette chronique ne suffirait pas.

L’une d’entre eux n’était pas Américaine, mais d’origine italienne : Jacqueline Barsotti-Goddard (1912-2003) était arrivée à Paris à l’âge de 17 ans. Comme les autres, elles se précipita à la Coupole et rencontra tous les artistes en vogue à l’époque, dont Man Ray. Ce dernier échappa, si l’on peut dire, à son appréciation de ces bohèmes qu’elle jugeait « plus bourgeois que toutes les classes qu’[elle] avait connues » ! Ce personnage haut en couleur séduisit ces « hommes grossiers » et posa pour eux. Surnommée la muse des muses, elle travailla en étroite collaboration avec Léonard Foujita, André Derain, Moïse Kisling, Picasso, Matisse et Giacometti.

Mais sa collaboration la plus féconde fut celle qu’elle eut avec Man Ray. Elle est devenue l’un de ses modèles préférés. De ses années, elle conserva les clichés qu’il réalisa d’elle et quelques autres. Cette collection inédite sera présentée aux enchères, à Paris, le 29 mars prochain chez Bonhams Cornette de Saint Cyr. Un portrait de la jeune femme, daté de 1930, est estimé 8 000/12 000 €. Elle apparaît la tête forte, ornée d’un nez grec, faisant songer à une sculpture classique. Elle ressemblait à Lee Miller, mais cette dernière incarnait une sauvagerie que la muse et élève de Ray n’a jamais atteinte devant la caméra. Un portrait solarisé de Jacqueline Barsotti-Goddard (Sans titre) est estimé 7 000/10 000 €.

Le catalogue de cette vente titrée : « La Révolution Surréaliste », propose des gravures, des dessins et des peintures de Man Ray, comme la peinture La bonne route, estimée 8 000/12 000 € ; et encore Pain peint, et Les Mains libres (première édition, limitée à 650 exemplaires, signé par l’artiste en 1937), avec une estimation de 2 000/3 000 €. Somerset Maugham dit à Jacqueline Barsotti-Goddard qu’elle était la plus belle femme qu’il avait connue. Man Ray ne fut pas en reste en lui adressant bien plus tard, ce compliment : « À la plus belle fille que j’aie jamais photographiée. Ce n’est pas vrai et ce n’est pas flatteur pour les autres »…

Bonhams Cornette de Saint Cyr, 6 avenue Hoche, 75008 Paris

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