La Petite messe solennelle de Rossini dans sa version chambriste

Publié le 15/03/2022

Arcana

En première au disque, est donnée la version originale de la Petite messe solennelle de Rossini, savoir avec accompagnement de trois claviers, issue de la nouvelle édition critique de la Fondation Rossini de Pesaro. L’ultime chef-d’œuvre de l’auteur du Barbier de Séville retrouve un climat chambriste et de ferveur que ne dispense pas toujours la version orchestrale. Retiré de la scène musicale depuis son opéra Guillaume Tell, le musicien écrit encore à ses heures ses « péchés de ma vieillesse » comme il les appelle, dont des pièces sacrées. La « Petite messe » est à placer aux côtés de ses grandes réussites pour l’opéra. La partition est conçue à l’origine pour un effectif restreint : quatre solistes, un chœur de moyenne importance, deux pianos et un harmonium. Cette distribution instrumentale porte la marque du style du dernier Rossini : un mélodisme décanté désormais, des contrastes non appuyés, notamment dans la rythmique de marche souvent privilégiée, mode assez atypique pour ce type de musique. Enfin les voix solistes sont soumises à une moindre pression, même si encore parfois traitées avec brillance dans les airs en solo. L’accompagnement est habilement distribué entre les trois claviers. La sonorité particulière de l’harmonium témoigne de la recherche du timbre le plus proche de l’orgue. En tout cas la réunion de ces seuls instruments témoigne de la volonté du compositeur d’écrire non pour les foules, mais à destination d’un cercle restreint d’auditeurs. Quoique bien accueillie lors de sa création, il est certain que pour atteindre un plus large public, l’œuvre devait être orchestrée, ce à quoi Rossini s’emploiera en 1867.

Le présent enregistrement utilise des instruments d’époque, un piano Érard de 1838, un Pleyel de 1856, un harmonium Alexandre à mains doubles de 1890, et recourt à un chœur composé de 16 chanteurs. Le résultat est tout simplement confondant. La légère boursouflure, qui ne manque pas de transparaître de la version orchestrée, ne se retrouve nullement ici. Et même le côté opératique de certaines séquences est-il ravalé à un rang presque anecdotique. On en revient à l’intimisme voulu par Rossini, sans pour autant perdre l’idée d’une liturgie associant mélodisme bel cantiste et contrepoint strict. Le mérite en revient d’abord au chef Giulio Prandi qui a cherché à se rapprocher le plus possible de l’original par un choix judicieux de tempos et de couleurs comme à imprimer une sobriété digne de la polyphonie des grands prédécesseurs, tel Palestrina. Sa direction, d’une grande sobriété, dotée de délicatesse souvent, dégage une indéniable ferveur et une puissance communicative. La prestation du chœur Ghislieri est un des joyaux de cette exécution : malléabilité des voix, limpidité des timbres, douceur des attaques, tenue exemplaire dans les pianissimos.

Les solistes sont tout aussi remarquables, tous quatre faisant montre d’un belle discrétion. Le ténor Edgardo Rocha asservit l’éclat de son timbre à un discours sans ostentation. La mezzo Josè Maria Lo Monaco, dans une partie qui n’a pas d’air solo proprement dit mais est gratifiée d’un duo envoûtant avec le chœur à l’Agnus dei final, déploie une ligne de chant d’une grande sobriété. Christian Senn adopte pareille retenue dans les parties de basse qu’il adorne de teintes claires, proches du baryton. Enfin Sandrine Piau illumine les interventions de soprano solo ou les ensembles avec une magistrale diction empreinte de gravité. La sonorité particulière de l’harmonium complète celle des deux pianos, de timbres l’un et l’autre bien différents. Singulièrement le piano Érard à la tonalité claire, joué par le pianofortiste Francesco Corti, apporte son aura à ces exécutions. Outre qu’il se voit pourvu d’un immense solo instrumental, le « Prélude religieux pendant l’Offertoire », destiné à apporter une respiration entre Credo et Sanctus.

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