La plaque du postillon
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On l’entendait de loin, la voiture de poste. À l’approche du relais, le postillon soufflait dans un cor, couvrant à peine le staccato des sabots des chevaux lancés au trot. Les clients du relais sortaient alors sur la route et apercevaient la lourde voiture dans un nuage de poussière, ou les jours de pluie, dans des éclats de boue. Le postillon qui menait sa grosse voiture, faisant claquer son fouet au-dessus de la croupe de ses chevaux, avait un rude métier, ce qui leur conférait une réputation de bons vivants aimant bien manger et boire. Aussitôt descendu de son impérial siège, l’homme encombré par ses lourdes bottes étanchait sa soif grâce à un bock que le patron du relais lui tendait. On remarquait sur la large buffleterie qui lui barrait la poitrine, une plaque ovale en cuivre : l’insigne de sa fonction, obligatoire depuis une ordonnance royale de 1786. Il devait, en réalité, à l’origine, la porter fixée sur le bras au moyen d’un bracelet de cuir. Dès sa création, cet écusson marquait l’ancienneté du postillon, par un numéro, et le nom du relais auquel il était attaché. Le premier postillon, plus expérimenté dans le relais, portait le n° 1 ; en son absence, le n° 2 devait le remplacer et ainsi de suite.
Un lot contenant quatre plaques de postillon, deux couronnes fermées et une pièce de 5 francs Napoléon III en argent, a été adjugé 460 € à Drout, le 14 janvier 2024, par la maison Daguerre. La première plaque ovale figure un cheval cabré. Une guirlande entourant le tout indique : « Compagnie des maîtres postillons. » Une inscription en bas de l’insigne porte cette inscription : « CJ – 106. » Les deux autres plaques en métal sont identiques et précisent sur leur pourtour : « Poste aux chevaux » et au centre « Relais de Coignères ». Les numéros des postillons sont malheureusement invisibles.
Coignères, cette petite ville de l’Ile-de-France, aujourd’hui dans les Yvelines, est englobée dans la nouvelle urbanisation de Maurepas et de Saint-Quentin. Une brasserie porte le nom de Relais de Coignères ; on dit qu’elle occupe la place du premier relais de poste aux chevaux, construit en 1706, là où se trouve aujourd’hui le no 99 de la route de Chartres à Paris. « Ce relais ne devait être que temporaire, pendant le changement de locaux de celui de Trappes. Mais on avait eu le temps de constater qu’un relais s’imposait à Coignières, entre Trappes et Rambouillet, » dit l’histoire du pays. Depuis le XIe siècle, Coignières a en effet joué un rôle important comme étape sur la route reliant Paris à Chartres. L’arrivée du chemin de fer au milieu du XIXe siècle a vu le glas des voitures postes et donc des postillons. La première gare a été inaugurée en 1849.
Entre-temps, de grandes maisons princières mirent en place leur propre service de poste servi par des postillons privés. Leur plaque portait les armoiries de ces maisons. Une plaque de postillon de M. de La Haye-Jousselin, ovale, estampée aux armes, en métal argenté, a été vendue 750 €, à Drouot, le 23 novembre 2007, par la maison Fraysse & Associés. Nous n’en avons pas vu d’autre depuis à Drouot.
Référence : AJU012l7