La plus ancienne traduction en espagnol

Publié le 02/08/2023

Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) fut nommé en 1846 bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, parues en 1861. Cet ouvrage se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (la comtesse de Ranc… [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des lettres. Nous poursuivons cet été la publication de la Lettre XII consacrée aux « Traductions ».

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« Je suis peu riche en livres traduits de l’allemand. Je reçus en présent, dans ma première jeunesse, un livre de philosophie auquel j’ai de véritables obliga­tions : Phédon, ou Entretiens sur la spiritualité et l’immortalité de l’âme, imitation de Platon, par le célèbre juif de Berlin, Mendelssohn, tra­duction de Junker. J’ai entouré cet ouvrage de tous les ornements de luxe qu’on réserve aux livres rares ou à ses livres de choix. Celui-ci est un peu l’un et beaucoup l’autre.

J’ai les Œuvres complètes de Gessner, traduites par Hubert, Orléans (1783). Une édition encore plus complète, Paris (1826). Enfin deux volumes auxquels on a fait peu d’attention, mais où se reproduit, avec un grand charme, l’individualité de Gessner, c’est un recueil des lettres de toute sa famille, lui, sa femme, ses fils, etc. J’attache beaucoup de prix à cette pos­session ; Musarion ou la Philosophie des grâces, œuvre délicieuse de Wieland, dont j’ai plusieurs traductions, plusieurs éditions, plusieurs exemplaires ; tout ce qu’on a d’un enfant gâté ; le Messie de Klopstock, traduction complète de Madame de Carlowitz ; la plupart des œuvres de Goethe : Werther, traduc­tion de P. Leroux, Faust, traduction de Blaze, le Théâtre, belle reproduction de l’original, par M. X. Marinier.

Le Théâtre de Schiller, autre traduction excellente de M. Marmier. J’ai aussi la traduction de Werther, par M. de Seve­linges, charmante édition in-12 de Dentu, papier vélin, belles gravures, un véritable bijou que j’ai traité comme tel. J’ai les Mémoires du baron de Trench, cet ancien prisonnier du grand Frédéric qui a pris pour nous un degré d’intérêt de plus en mourant sur l’écha­faud révolutionnaire à côté de Boucher et d’André Chénier.

Je possède en livres traduits de l’espagnol, com­mençant par un des plus vieux : Les Diverses leçons de Pierre Messie, l’édition pre­mière, et une autre plus complète, toujours traduite par Gruget. Puis la date, moins encore que tous les autres mo­tifs, amène ici le livre immortel, immortel fondement de la littérature espagnole et qui appartient en quel­que sorte aujourd’hui à toutes les littératures et à toutes les langues. Qui songe à dire, en effet, j’ai telle ou telle traduction de Don Quichotte ? L’on dit : j’ai Don Quichotte ; il n’y a véritablement qu’un Don Quichotte. L’on a le Don Quichotte de Filleau de Saint-Martin, ou celui de Dubournial, ou celui du regrettable Fume. » (À suivre)

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